À vous de juger !
Notre vulnérabilité aux insultes ne procéderait-elle pas de notre impuissance à nous distancier des mots ? De notre coupable propension à les saisir au pied de la lettre ?
Il n'est que trop clair, en effet, que l'invective ne s'embarrasse guère de crédibilité : s'il se confirme que Materazzi a assimilé mère et sœur de Zidane à des professionnelles du trottoir, ni celui-ci ni celui-là n'en croient évidemment un mot. Avec l'injure, nous irions jusqu'à prétendre, au risque de choquer, que nous sommes en pleine poésie, autrement dit dans une dimension où le sens n'a plus cours. « L'injure, c'est son privilège, confirme Pierre Merle dans son récent Petit Traité de l'injure (éd. l'Archipel), peut fort bien s'affranchir de toute vraisemblance. Traiter un célibataire de "cocu" ou un père de six enfants de "sans-couilles" n'est en effet pas un problème. » Siérait-il donc d'opposer à un « code de l'honneur » bien fruste un certain « sens de l'humour » ? Ne pas répondre à la provocation de bas étage, est-ce lâcheté ou intelligence ?