Sommes convenus ? Avons convenu ?

Vers la bivalence des auxiliaires...

< mardi 7 février 2006 >
Chronique

Plus d'un lecteur s'est dit étonné que, lors de son oral chez Fogiel, Gilles de Robien se soit laissé aller à dire, et à plusieurs reprises : « Nous avons convenu... ». Ne fallait-il pas plutôt, feignent de s'interroger ces persifleurs, recourir à l'auxiliaire être ? « Nous sommes convenus » n'eût-il pas été plus adéquat dans la bouche du patron de l'Éducation nationale ? C'est oublier que les locataires de Grenelle ont souvent achoppé sur le problème des auxiliaires ; oublier aussi que n'importe qui peut trébucher dans un élan d'enthousiasme, et notre homme n'a-t-il pas précisément été ministre des Transports ? Quoi qu'il en soit, il ne sera pas dit que nous n'aurons rien tenté pour le défendre. D'abord, parce que c'est là le devoir de tout fonctionnaire qui se respecte. Ensuite, il nous reste un échelon à gravir dans l'ordre des Palmes académiques et nous voulons croire que l'intéressé, s'il vient à lire ces lignes, saura s'en souvenir... C'est vrai, tout ce que le petit monde de la syntaxe compte de voix autorisées continue, dans ce cas précis, à déconseiller l'auxiliaire avoir. « On l'évitera dans la langue surveillée », tonne Girodet ; « en langage châtié », renchérit Bernard Laygues ; « en langue recherchée », recommande de son côté le Bescherelle. « L'auxiliaire être est d'un style plus soutenu », leur fait écho le Larousse pratique. La grammaire récemment lancée par Bernard Pivot (Toute la conjugaison, chez Albin Michel) enfonce même le clou avec une vigueur insoupçonnée : « Au sens de se mettre d'accord pour, y lit-on, convenir se construit exclusivement avec l'auxiliaire être tandis qu'avec l'acception d'être convenable, être seyant (ou plutôt séant ?), c'est avoir qui doit être utilisé. » Cela dit, les avocats de la défense ne manquent pas. Hanse — on s'y attendait un peu — reconnaît que la distinction susdite n'est plus respectée et que l'on peut sans hésiter « employer avoir dans tous les cas ». Le traditionaliste Thomas — et c'est plus surprenant — n'écrivait-il pas déjà, en 1956, que « l'usage tend à employer avoir comme seul auxiliaire » ? Relaxé, donc, le prévenu, lequel, en politique consommé, trouve même là l'occasion de promouvoir sa philosophie de l'enseignement ! Cette souplesse dans le choix de l'auxiliaire ne traduit-elle pas, en effet, son goût pour la bivalence des professeurs et leur remplacement au pied levé, en cas d'absence ? Dis-moi comment tu construis ta phrase, je te dirai qui tu es...