Sacs-poubelle ?... Sacs-poubelles ?...
Une orthographe peu emballante !
On comprend mieux que des restaurateurs américains, pour afficher leur patriotisme durant la guerre d'Irak, aient, sans plus d'états d'âme, vidé dans le caniveau tout ce qui ressemblait à du vin de France : le précieux nectar n'était probablement pas perdu pour tout le monde ! On ne peut plus exclure, en tout cas, que d'aucuns soient allés le récupérer avec une paille, à présent que l'on sait les Yankees de plus en plus nombreux à prélever leur pitance quotidienne dans les poubelles... Nous ne parlons pas là de ceux que notre langue, de plus en plus soucieuse du politiquement correct, a pudiquement nommés « sans domicile fixe » ; mais de gens souvent aisés, qui — soit dit à leur... décharge — entendent, par cette grève sur le tas d'un nouveau style, stigmatiser les gaspillages de notre société de consommation. But avoué de la manœuvre, laquelle est le plus souvent perpétrée aux abords des grandes surfaces et des trop célèbres « fast-foods » : démontrer que l'on peut très bien vivre avec les seuls reliefs de nos tables de nantis. En d'autres termes, ce n'est plus le père Noël qui est une ordure, ce sont les ordures qui pourraient jouer les pères Noël dans plus d'un pays défavorisé !
Est-il besoin de le préciser, nous ne nous inquiétons pas outre mesure pour les publicitaires du Nouveau Monde, lesquels sauront tirer parti de ce nouveau sport national et repeindre leurs slogans au goût du jour : on entend d'ici le prochain « Ça se passe comme ça, derrière chez MacDonald ! » En revanche, il est de notre devoir de chroniqueur d'alerter l'opinion et de la préparer à l'inéluctable propagation de cette mode à travers nos contrées ; d'inciter, notamment, nos lexicographes à se mettre d'urgence d'accord sur l'orthographe de certains mots-clés. Si, à l'heure actuelle, vous vous fournissez chez Robert, c'est à des sacs-poubelles que vous aurez droit ; Larousse, lui, continue à inscrire à son catalogue des sacs-poubelle ! Autrement dit, et pour peu qu'il faille mendier une quelconque cohérence au sein de nos dictionnaires, des sacs qui sont destinés à la poubelle quand, chez le concurrent, on préfère sans doute y voir des sacs qui constituent, à eux seuls, des poubelles... De ces subtilités et de ces divergences qui ravissent les utilisateurs, français ou étrangers, de notre belle langue et qui achèvent trop souvent de les convaincre que, décidément, cette dernière est elle aussi... à jeter !