À la fortune du mot
Qu'elle se jette à la poste, s'abatte sur le tapis, vous mette l'eau à la bouche ou se déplie (souvent malaisément !) pour vous indiquer la route, la carte doit à ses multiples « casquettes » de figurer dans bon nombre de locutions pittoresques, dont voici un échantillon...
Savoir la carte. L'expression, vieille de trois siècles, s'appliquait à ceux qui, pour détenir la connaissance, jouissaient aussi du pouvoir ; à ceux pour qui, comme l'écrivait Furetière, « les intrigues d'une Cour, le train des affaires d'un État, des détours d'une maison... » n'avaient aucun secret.
Perdre la carte. Une des nombreuses tournures (on perd aussi le nord, la boussole, voire la tramontane) signifiant que l'on ne sait plus où l'on en est, que l'on n'a plus toute sa raison. Mais sans aller jusque-là, il a pu s'agir d'un simple équivalent de « s'égarer », comme l'atteste cette phrase de Louis Sébastien Mercier : « Comme j'étais loin de mon quartier, (...) à chaque pas je perdais la carte. »
Donner carte blanche. Si elle doit aujourd'hui composer avec un « chèque en blanc » aux allures plus modernes, la locution est restée vivace depuis le... XVIIe siècle ! Il était déjà question, à l'époque, de donner à un tiers un papier blanc signé, pour qu'il le remplît comme bon lui semblerait.
Prendre des cartes. On doit ce... tour au jeu de l'écarté où, comme au poker, « prendre des cartes » traduit l'espoir d'un meilleur jeu. Au figuré, cela revenait à dire que l'on préférait décliner une offre jugée insuffisante.
Revoir la carte. On s'étonnera que nous concluions sur cette note sordide, mais voilà une façon somme toute poétique de traduire le vomissement : ne nous donne-t-il pas l'occasion de... vérifier ce que l'on a mangé ?