À la fortune du frigo

< mardi 26 mars 2002 >
Vocabulaire

On ne s'étonnera pas que le froid pénètre bon nombre d'expressions... figées !

Ne pas avoir froid aux yeux. Si Littré hasarde une hypothèse des plus convenables — l'ardeur du regard signant la vaillance, avoir froid aux yeux traduirait la lâcheté —, il y a gros à parier que ces yeux-là, comme souvent, sont venus se substituer à une partie plus charnue de notre individu. Pour les truands du XIXe siècle, en effet, avoir froid aux fesses revenait à flancher au moment crucial !

Un froid de canard. Quand il serait surtout, pour l'heure, à l'affût des voix et des parrainages, Jean Saint-Josse pourrait sans doute nous confirmer que cette locution ne doit pas grand-chose à un éventuel penchant du palmipède pour les températures polaires. Claude Duneton, qui fait remonter l'expression au XIXe siècle, là encore, l'attribue bien plutôt au fait que la chasse au canard sauvage a traditionnellement lieu par temps froid.

Ça caille ! Si, dans un registre évidemment familier, l'exclamation connote le frisson, et ce depuis les années cinquante, le verbe cailler, doublet populaire de coaguler, a d'abord été associé à la colère. Dans son Dictionnaire historique des argots français, Gaston Esnault cite l'expression se cailler le sang, laquelle signifiait, au début du XXe siècle, « piquer une crise ».

À noter qu'au Québec..., où le froid mérite fréquemment le qualificatif de sibérien, les tours pittoresques ne manquent pas pour souligner qu'« on se les gèle ». C'est ainsi que l'on évoque volontiers, du côté de Montréal, un froid à fendre les bûches, à arracher les clous, voire à couper un cheveu ! La palme de la poésie revenant sans conteste à ce constat peu banal  : « Il fait si froid que les chiens se réchauffent à trembler ! »