À la fortune du mot

< mardi 31 mai 2005 >
Complément

Durant de longues semaines, et pour nombre de Français entre le zist et le zest, cela aura donc été : « Ptêt ben qu'oui, ptêt ben qu'non ! » Une formule dont on a coutume de faire une « réponse de Normand ». La Fontaine déjà, dans sa fable La Cour du lion, n'hésitait pas à écrire : « Ceci vous sert d'enseignement : / Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire, / Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère ; / Et tâchez quelquefois de répondre en Normand. » Est-il besoin d'évoquer de surcroît les paysans madrés des nouvelles de Maupassant, voire les anachronismes d'un Goscinny plaçant l'expression susdite dans la bouche d'un Viking ou faisant état, sans plus de gêne apparente, d'une « offre de Normand » ? Mais pourquoi cette réputation faite, depuis toujours ou presque, aux descendants des « hommes du Nord » ? Faut-il l'attribuer, comme semble bien le faire Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française, à la ruse et à l'adresse légendaires de leurs ancêtres, les envahisseurs scandinaves ? Bernard C. Galey avance pour sa part une autre hypothèse. Selon lui, cette duplicité supposée pourrait trouver son origine dans le vieux droit coutumier normand, lequel, précurseur en la matière, autorisait le dédit d'un marché dans une limite de vingt-quatre heures. Le proverbe apparenté – « Un Normand a son dit et son dédit » — aurait, à l'en croire, et fût-ce au prix d'une interprétation fautive, beaucoup fait pour accréditer l'atavique circonspection des gens du cru. Espérons du moins pour l'avenir politique de Laurent Fabius que ses administrés de Seine-Maritime auront fait mentir la tradition et n'auront point tergiversé outre mesure au moment de déposer leur bulletin dans l'urne !