À la fortune du dico

< mardi 19 avril 2005 >
Complément

Pour qui accepte d'y flâner, les dictionnaires — et nous ne parlons là que des tout meilleurs — ne sont jamais avares de contradictions, pour ne pas dire de pure poésie ! En témoigne par exemple, pour prolonger le débat que nous avons ouvert ci-contre, le commentaire du Grand Robert de la langue française sur le suffixe -isme. Ce dernier dénote toujours, y lit-on, une « attitude positive par rapport à une croyance » ou à autre chose, (...) « conforme à la tendance ou au modèle qu'exprime la base » — entendez par là le nom auquel est venu s'ajouter le suffixe — (...) « ou favorable à une personne, un groupe humain ». Voilà qui, on en conviendra, n'aidera pas vraiment l'usager à comprendre pourquoi le même Grand Robert, moins de cent pages plus loin, fait en premier lieu du jeunisme une « attitude de prévention systématique contre les jeunes » !

Tout aussi cavalière (si l'on ose dire, eu égard à l'exemple qui suit) apparaît la façon dont sont quelquefois attribués les genres. Quelle que soit notre indulgence naturelle pour les coquetteries de notre langue, sans lesquelles les pensums de Pivot perdraient singulièrement de leur charme, confessons ici notre peine à admettre que, pour le Petit Robert, il faille dire « une avant-main » pour désigner la partie antérieure d'un cheval, « un arrière-main » pour la partie postérieure ! Respectueux de la chose écrite, nous aurions été tout prêt à admettre qu'il pût y avoir, derrière ce distinguo des plus subtils, une nécessité d'ordre biologique si dans l'intervalle nous ne nous étions aperçu que le Petit Larousse préconisait pour sa part... « un avant-main » et « une arrière-main » ! Le moyen, après cela, de rester à cheval sur les principes ?