Les retombées linguistiques du référendum

Ce fut par excellence le scrutin de... l'iste !

< mardi 31 mai 2005 >
Chronique

Ne boudons pas notre plaisir. La preuve que ce référendum a autrement passionné les foules que ses pâles prédécesseurs est avant tout linguistique ! À notre connaissance, en effet, c'est la première fois que les porte-parole des deux clans se voient attribuer un nom, spécialement créé pour la circonstance. Jusque-là, et qu'il fût question de régionalisation, de Nouvelle-Calédonie ou de quinquennat, on s'était borné à évoquer défenseurs du texte gouvernemental et opposants à ce même texte. Cette fois encore, les journalistes firent longtemps avec les moyens du bord, se contentant de recourir à « partisans du oui », à « camp du non », et vice versa bien entendu ! Or tout à coup on vit apparaître, dans les colonnes les plus respectables de notre presse nationale, « ouistes » et « nonistes » ! Encore ne s'agit-il là que d'une version parmi d'autres, les premiers s'enrichissant souvent d'un i supplémentaire, de toute évidence destiné à faire ressortir le suffixe plutôt qu'à souligner l'adhésion enthousiaste, quasi orgasmique, des intéressés (« ouiistes »). On assista même, non sans amusement, à l'émergence de « oui-ouistes », quand il n'échapperait à personne que cette variante, qui trouva surtout preneur(s) chez les adversaires du traité, est lourde d'arrière-pensées péjoratives : ces « oui-ouistes » ont fatalement un air de famille avec les béni-oui-oui, en d'autres termes les suivistes qui consentent à tout, quel que soit le sujet. En user constitue même un crime de lèse-Jospinie : qui ne se souvient que c'est sous les traits du pantin Oui-Oui que les Guignols de l'info avaient coutume de représenter, en d'autres temps, le retraité (?) de l'île de Ré ? C'est égal : qui a dit que le français devait son déclin à sa légendaire incapacité à créer des mots nouveaux ? Le « quinzomadaire », doublure ô combien avantageuse de ce ringard de bimensuel, nous avait déjà rassurés lors de la floraison des magazines offrant deux semaines de programmes de télévision pour le prix d'une. Voilà que le référendum confirme cette tendance riche de promesses. On déplorera seulement que l'on se soit arrêté en si bon chemin et que l'on n'ait pas cru devoir distinguer, parmi des abstentionnistes qui commencent eux aussi à dater, entre ces indécis irréductibles que sont les « niouininonistes » et les pêcheurs à la ligne. Zutistes , pourquoi pas ? Le mot n'a plus guère servi depuis Charles Cros...