In memoriam

< mardi 18 juin 2002 >
Complément

Comment, un 18 juin, ne pas évoquer le regretté Maurice Schumann ? Celui dont on a pu dire, avec juste raison, qu'il était « la voix de la France » n'était-il pas devenu, dans les vingt dernières années de sa vie, la voix du français ? Académicien, président de la commission des affaires culturelles du Sénat, président d'honneur de la Renaissance française du Nord-Pas-de-Calais, l'homme se sera dépensé sans compter pour le rayonnement d'une langue dont il fut, sans conteste, l'un des plus brillants serviteurs. Qui n'a pas eu la chance de l'entendre, au détour d'une assemblée générale, en esquisser la synthèse n'aura jamais qu'une idée approximative de ce qu'est réellement le pouvoir du verbe. Et que dire de cet acharnement à honorer de sa présence, à un âge où nul ne lui eût marchandé le droit à un repos bien mérité, la moindre des manifestations, le plus obscur des salons ? De cette modestie — peut-être fausse mais peu importe dès lors qu'elle sonnait juste — qui le poussait presque à s'en excuser, sous le joli prétexte qu'il n'avait pas « le courage du repos » ? De cette capacité rare — on ne compte plus, dans notre région, les boutonnières qui lui doivent de s'être empourprées — à oublier pour un temps ses propres mérites pour rendre hommage à ceux des autres ? À quelle sollicitation n'a-t-il pas répondu, fût-ce brièvement, et toujours de sa main ? Non, décidément : où que l'on cherche, on ne trouve à lui reprocher que son départ prématuré, à l'heure où le français, plus que jamais, a besoin de résistants de sa trempe. Pour un peu, et parce qu'il aurait été le premier à s'en amuser, de ce rire aigu qui n'appartenait qu'à lui, on se surprendrait à le morigéner, à l'instar du gamin barbouillé de la pub : « Cette fois, Maurice, tu as poussé le bouchon un peu loin ! »