La France n'a pas perdu qu'une rencontre...

Elle a perdu la guerre !

< mardi 18 juin 2002 >
Chronique

De grâce, que l'on n'aille pas mettre sur le compte de la date ce titre gaullien : qu'on le veuille ou non, le sport de haut niveau, dont on se plaît un peu partout à vanter les vertus éducatives, apparaît de plus en plus comme la continuation de la guerre par d'autres moyens. Ce ne sont pas tant les éternels clichés sur la Deuxième Guerre mondiale ou sur celle des Malouines, resservis jusqu'à plus soif par les tabloïds chaque fois que l'Angleterre se mesure à l'Allemagne ou à l'Argentine ; ce n'est pas tant cette commune fonction de diversion — on attend visiblement du premier comme de la seconde qu'ils fassent oublier aux masses les problèmes politiques et économiques de l'heure ; ce ne sont pas tant les accents mélodramatiques, dignes de mai 40, de ces derniers jours qui nous en persuadent que les mots dont on use désormais pour commenter ce qui était, à l'origine, une inoffensive partie de ballon... Zidane ? Une rampe de lancement pour ces missiles que sont Thierry Henry et Djibril Cissé. Barthez ? L'ultime rempart. On lui sait gré de monter au créneau, au risque, évidemment, de s'exposer aux charges de l'adversaire et d'être fusillé à bout portant. L'attaque française (avant qu'elle ne prenne, en Corée, des allures de pétard mouillé) ? Une puissance de feu inégalée, qui ne saurait guère être comparée qu'à l'impressionnante force de frappe argentine, quand bien même cette armada-là aussi, vouée à un dérisoire baroud d'honneur face à la Suède, se serait montrée impuissante à contourner les murailles qui se dressaient devant elle. L'encadrement ? Un état-major. D'ailleurs, c'est bien connu : en cas de défaite, ce sont toujours les généraux qui trinquent. Certes, il se trouvera de blanches colombes pour prétendre, des trémolos dans la voix, qu'il ne faut pas dramatiser. Que les héros ont bien le droit d'être fatigués. Que tout cela, au fond, n'est qu'un jeu. Eût-on envie, pour ce qu'il reste de beauté du geste, de leur donner raison, il faudrait que Robert acceptât de reconsidérer sa définition dudit jeu : « Activité physique ou mentale purement gratuite, qui n'a, dans la conscience de la personne qui s'y livre, d'autre but que le plaisir qu'elle procure ». De plaisir, on n'a pas beaucoup lu dans le regard des tricolores ces derniers temps. De gratuité et de désintéressement, encore moins. Et c'est peut-être là, finalement, que le crampon blesse le plus...