L'orthographe et les fromages qui puent

La dictée, c'est râpé ?

< mardi 17 novembre 1998 >
Chronique

Nombreux sont les passionnés d'orthographe à qui la dictée de ce samedi (notre article du 15 novembre) aura remis en mémoire la toute première finale des championnats. Outre l'étroite parenté des scénarios, il ne manquait à l'appel ni le sommelier ni le maître queux (toujours sans trait d'union), et la bonne chère était une fois de plus au rendez-vous. Quant au pain bis, il était déjà, lui aussi, de la « garden-party (prétendument) réussie » qui s'était déroulée à RTL, en octobre 1985. Inspiration bégayante ? Ou confirmation de cette règle tacite qui veut, depuis Mérimée, que les plaisirs de la table aient partie liée avec ceux de la grammaire, au point que, presque toujours, il y ait dans une dictée à boire et à manger ? Allez savoir ! Ce qui est sûr, c'est que les choses ont bien changé, depuis lors, dans le POF (paysage orthographique français). Un indice qui ne trompe pas : jamais les effluves qu'exhalent les fromages de Pivot ne seraient restés orphelins en 1985. À vue de nez, on les eût trouvés marqués, prononcés, raffinés (barrer les mentions inutiles), ne fût-ce que pour s'assurer que le genre du mot était connu du candidat. La chose n'est plus envisageable aujourd'hui, Larousse concédant, Dieu sait pourquoi, que le mot est « parfois féminin au pluriel ». Une illustration parmi d'autres (autoroute, interview, etc.) des tolérances qui, année après année, se sont insinuées dans les ouvrages de référence. C'est ainsi qu'en matière d'accentuation on n'est pas près de revoir la féerie ou l'événement, lesquels firent les beaux jours des premières compétitions : évènement ne constitue plus une faute et féérie a, curieusement, reçu l'aval de Robert. Que dire enfin des serre-tête, porte-plume, gâte-sauce et gratte-ciel, qui pourraient aujourd'hui s'écrire serre-têtes, porte-plumes, gâte-sauces et gratte-ciels sans qu'aucun correcteur trouvât à y redire ? Loin de nous l'idée d'en faire un fromage — nous en avons eu notre content ce samedi —, mais force est de constater que l'âge d'or de la dictée est derrière nous et qu'il faudra désormais s'accommoder... des reliefs du festin !