Les pires anglicismes
sont, d'assez loin,
ceux qui ne disent pas leur nom !

< dimanche 12 février 2023 >
Chronique

User à tort et à travers de mots anglais là où, nous le soulignions dimanche dernier, le français suffirait amplement à la tâche n'est que la partie émergée de l'iceberg anglomaniaque.

Le noyautage de notre vocabulaire constitue un péril autrement grave, tant pour la survie de notre langue que pour la clarté du message. Témoin ce titre que nous avons relevé sur une Toile que l'on devine largement influencée par le tropisme anglo-saxon : « Les buts de Ronaldinho qui ont choqué le monde ». À quoi peut en effet s'attendre l'internaute qui, par l'odeur de scandale alléché, clique dans la foulée sur la vidéo proposée ? à se voir, sans doute, rappeler les turpitudes auxquelles conduit quelquefois l'obsession de la victoire : la « main de Dieu » du rusé Maradona ; celle, plus laïque mais non moins stigmatisée par les Irlandais, de Thierry Henry qui envoya la France se ridiculiser en Afrique du Sud ?

Vous n'y êtes pas : on assiste en réalité à des buts hors norme mais des plus respectables, qui confirment surtout le talent dudit footballeur. Pour peu que notre internaute attache un minimum d'importance à ce genre de choses (ce qui n'est pas gagné dans cette société qui croit tout ce qu'elle voit), il ira alors vérifier dans son dictionnaire (pour peu qu'il ne l'ait pas déjà revendu sur eBay) que ce verbe, toujours pris en mauvaise part au sens figuré, a pour synonymes blesser, contrarier, ébranler, heurter, offenser, scandaliser, traumatiser.

Même quand la définition laisse planer un doute et recourt à un équivalent plus neutre (bouleverser), l'exemple qui l'illustre (« La mort de sa sœur l'a choqué ») évacue bien vite l'hypothèse d'un choc salutaire. L'usage français, dans sa sagesse cartésienne, a choisi son camp : dans ce dernier cas, il opte plutôt pour couper le souffle, époustoufler, impressionner, stupéfier. Il y a suffisamment en stock pour que l'on ne coure pas le risque d'une ambiguïté, a fortiori d'un contresens !

L'anglais, qui aime ratisser large, n'a pas, hélas, de ces pudeurs : avant de signifier « scandaliser », son to shock veut dire « stupéfier ». Est-il besoin de chercher une autre explication à ce titre équivoque que nous dénoncions plus haut ? L'envie d'égarer son lecteur, peut-être, celui-ci étant toujours plus motivé par l'odeur de la castagne que par le parfum de l'eau de rose, fût-ce en ces temps de Saint-Valentin…