Et si vous profitiez
de la Braderie pour fouiller
dans vos propres affaires ?

< dimanche 4 septembre 2022 >
Chronique

Pour aider ceux de nos lecteurs à qui il arrive d'hésiter entre avoir à faire et avoir affaire, pouvait-on rêver plus belle… occasion que cette Braderie qui renaît enfin de ses cendres ?

Prendre votre petit déjeuner les yeux rivés, pour profiter des derniers bons plans, sur votre Voix du Nord (bénis soient les porteurs qui, sains ou patraques, délaissent leur couche pour vous permettre de la trouver de si bon matin dans votre boîte !). Extraire du placard vos plus robustes chaussures de marche. Mettre le cap sur la capitale des Flandres, à pied, à cheval ou en TER. Faire provision de liquide au premier distributeur de billets venu. Ce matin, vous avez à faire ! En deux mots, puisqu'il est ici question du verbe. Avoir beaucoup à faire, c'est avoir plus d'une chose à accomplir, et vous pourriez impunément substituer celui-ci à celui-là.

Là où les choses menacent de se gâter, c'est qu'ensuite vous allez avoir affaire (en un mot, cette fois) à moult vendeurs peu enclins à vous abandonner pour une bouchée de pain ce qu'ils décrivent comme la huitième merveille du monde. N'importe quel ouvrage relatif aux difficultés du français (ne craignez pas de vérifier en feuilletant le Bled que vous dénicherez tout à l'heure sur le pavé) vous expliquera que, suivi des prépositions à ou avec, le tour qui nous occupe aujourd'hui recourt toujours au nom affaire : on a affaire avec le bradeux dans la mesure où il s'agit là d'une négociation, d'une transaction, mais on a aussi affaire à lui parce que ladite négociation — pour rester souvent bon enfant — n'en est pas moins âpre et animée !

Pour nous résumer, il y a fort à faire quand on a affaire à un commerçant madré, à qui on ne… la fait pas !

Force est d'avouer que ces subtilités-là, on les a un peu cherchées : le mot affaire, c'est l'étymologie qui nous le confirme, n'a-t-il pas été forgé à partir de la locution à faire ? Jean Girodet va jusqu'à reconnaître qu'il arrive à la langue elle-même de se raviser : ce que l'on écrivait autrefois, et à bon droit, « Qu'ai-je affaire de tous ces conseils ? » s'écrit plus sûrement aujourd'hui « Qu'ai-je à faire de tous ces conseils ? ».

Alors oubliez sans remords ces pinaillages de grammairien et, toutes affaires cessantes, lancez-vous plutôt sur la piste de la seule qui vaille, la bonne ! Courez-y vite, toutefois : comme le bonheur de cet excellent Paul Fort, elle risque de filer…