Ne vous laissez pas condamner
pour faux et usage de faux !
« Le faux pas du Stade de France, il y a quinze jours, en a conduit certains, pour se dédouaner sans doute, à user de faux-fuyants, au risque de passer pour des faux jetons. Tout cela vous avait un faux air de déjà-vu… »
Le chroniqueur de langue, en l’occurrence, laisse à plus compétent que lui le soin de démêler le vrai du… faux. Il lui suffit d’avoir à conjurer l’angoisse qui s’empare du scripteur chaque fois que celui-ci hésite à mettre un trait d’union après faux. La règle est pourtant lumineuse (et bien française) : il n’y faut jamais recourir… à de rares exceptions près. Reste à savoir lesquelles !
Les ouvrages spécialisés ont longtemps cité le faux-fuyant de la phrase qui nous tient lieu de chapeau, ainsi que faux-semblant et faux-monnayeur. On avait fini par s’en accommoder, d’autant que, pour deux des trois au moins, le second terme est rarement utilisé seul. Dans la foulée, on citait encore le faux-bourdon, du moins quand il renvoie, non à l’abeille mâle, mais au chant d’église. Las ! depuis lors, la liste s’est enrichie : du faux-filet et du faux-titre chez Robert, du faux-facturier, du faux-fruit et du faux-sens chez Larousse.
Quant au faux jumeau du faux jeton dont il est question plus haut, entendez faux(-)cul, il est la preuve que la hache de guerre n’est pas près d’être enterrée entre nos deux dictionnaires préférés : qu’il s’agisse du faux derche ou de l’armature métallique que l’on plaçait jadis sous la jupe pour rembourrer le postérieur féminin, Larousse écrit faux-cul, Robert faux cul. Tout cela est-il bien séant, on vous le demande ? Il nous souvient d’un temps où le premier se servait dudit trait d’union pour distinguer l’hypocrite du coussin capitonné, mais l’heure n’est plus à ces subtilités. Vous pouvez à présent écrire ce mot comme bon vous semble, la graphie que vous aurez choisie ne manquera jamais… de fondement !
Pour le reste, attendez-vous plutôt, comme le dirait Houellebecq, à une extension du domaine du trait d’union. Le Dico de Garnier, version papier du Wiktionnaire de la Toile, voit désormais des faux-amis dans ces mots qui se ressemblent d’une langue à une autre sans pour autant revêtir la même signification !
Sauf erreur, il ne nous semble pas que nos réformateurs se soient penchés sur ce problème. Peut-être parce que, dans l’état calamiteux où se trouve notre orthographe, on n’en est plus à un trait d’union près ?