Tics de langage :
vol au-dessus d'un nid de coups !

< dimanche 13 février 2022 >
Chronique

Quel ancien potache n'aime à se souvenir de l'heureux temps où, pour survivre aux cours, il traçait un trait vertical sur sa table chaque fois qu'un « n'est-ce pas ? » jaillissait de la bouche de son prof ?

Combien sommes-nous aujourd'hui à faire mentalement la même chose avec du coup, dans l'espoir fou (et finalement vain) de réduire un tant soit peu l'incommensurable ennui de la visioconférence ? C'est que le phénomène ne cesse de croître et d'embellir depuis quelques années : l'Académie s'en faisait déjà l'écho en novembre 2014, déplorant que ce tour, proche de l'adverbe aussitôt et fondé à décrire une « cause agissant brusquement », fût de plus en plus employé en lieu et place de donc, par conséquent, de ce fait, pour introduire une conséquence au sens large.

Pour résumer la position des immortels — qui, soit dit en passant, est aussi celle de Grevisse —, va pour « La petite phrase du candidat a choqué, et, du coup, il a perdu toute crédibilité », mais pas pour « Ce ne sera pas encore pour cette fois ; du coup, elle devra remettre ça dans cinq ans ». Ne parlons même pas du cas où, à l'instar de nos inévitables en fait et voilà, du coup ne sert à rien, sinon à reprendre sa respiration tout en réfléchissant à ce qu'on pourrait bien dire d'intelligent !

Il est à noter que ce n'est pas la première fois que les Français font les quatre cents coups dans leurs discours. Nous avons souvenance d'une époque — qui remonte à une vingtaine d'années — où nombre de jeunes loups aux dents longues, frais émoulus de leurs écoles de commerce et bercés aux accents martiaux du Connemara, se gargarisaient, dans leurs argumentaires, de l'expression pour le coup.

Rien que de très normal à ce que ces assoiffés de nouveauté, par nature voués à trouver inédit tout ce qu'ils avaient à vendre, recourussent à une tournure qui signifiait grosso modo « cette fois-ci, pour une fois ». Pas question de le dire aussi platement, en revanche, sous peine de paraître définitivement... hors du coup ! D'où ce pour le coup, lequel provoquait chez le locuteur, chaque fois que ce dernier réussissait à le placer dans sa conversation, une jouissance quasi orgasmique.

Mais vous me direz sans doute, dans votre infinie sagesse, que, le climat de la campagne électorale étant ce qu'il est actuellement, mieux vaut encore échanger ces coups-là que d'autres !