Souhaiter des vœux ?
Et pourquoi pas demander une question ?

< dimanche 9 janvier 2022 >
Chronique

Quand on ne s'appelle pas George « Deubeuliou » Bush, il y a plus sûr que le bretzel pour s'étrangler : un lecteur nous confie qu'il est parvenu au même résultat en consultant ses comptes en ligne le jour de l'An.

Une banque que nous ne nommerons pas, mais qui semble d'assez loin la mieux placée pour avoir des lettres, ne lui a-t-elle pas « souhaité ses meilleurs voeux » ? Gageons que, pour bon nombre de nos concitoyens, la chose a toutes les chances de « passer crème », comme il se dit de plus en plus sur les plateaux de télévision. C'est que l'incongruité (nous l'avions déjà évoquée dans ces mêmes colonnes il y a quelque dix ans) n'est pas précisément nouvelle et que l'on finirait, de guerre lasse, par s'y habituer...

Pas notre homme, en tout cas, lequel aura vraisemblablement commencé par pester contre l'injuste séparation de corps infligée à ce malheureux « e dans l'o ». Bien la peine, concédons-le-lui, que les claviers actuels permettent enfin, par le truchement des caractères spéciaux, ce que n'autorisaient pas les machines à écrire d'avant-hier ! On ne compte plus aujourd'hui les « oeufs » cassés, les « coeurs » brisés, les « noeuds » défaits, les « oesophages » fissurés, ni les « oedipes » décomplexés au point de faire bande à part... À croire que nos voyelles elles-mêmes craignent désormais de s'entrelacer, de peur de contracter la maladie que vous savez !

Mais le pire résidait dans ce pléonasme de gala qui consiste — au lieu de les « présenter » ou, plus chic encore, de les « former » — à « souhaiter des vœux ». C'est peu dire, en effet, qu'en l'espèce on se répète, puisqu'un vœu, à l'évidence, est déjà un souhait ! Souhaitez-vous, si ça vous chante, un joyeux Noël ou la bonne année, un millésime sans variant ou un Koh-Lanta sans triche, un programme électoral dénué de démagogie ou un système de retraite débarrassé de ses régimes spéciaux, mais gardez-vous bien, en soulignant deux fois plutôt qu'une que tout cela relève du vœu réputé pieux, de brûler le vaisseau que vous êtes en train de construire.

Inutile d'apporter de l'eau au moulin d'un Pierre Desproges qui prenait un malin plaisir à rappeler dans ses spectacles que « sur cent personnes à qui l'on souhaite bonne année, bonne santé le premier janvier, deux meurent d'atroces souffrances avant le pont de la Pentecôte » !