Même dans « Koh-Lanta »,
l'immunité n'est plus vraiment
ce qu'elle était...

< dimanche 26 décembre 2021 >
Chronique

Pour cette édition du vingtième anniversaire intitulée « La Légende », l'animateur Denis Brogniart aurait été bien inspiré de modifier de la sorte son cri de guerre fétiche : « Et à la fin, il n'en restera... aucun ! »

On sait en effet que le dépouillement des votes n'a pu avoir lieu cette année, des aventuriers (et non des moindres) ayant été accusés d'avoir transgressé le règlement de l'épreuve en se sustentant de manière illicite. Tache indélébile, c'est à craindre, sur une émission qui, à force de se réclamer d'un certain code de l'honneur, avait fini par y croire elle-même. Il n'était que temps — quoi qu'il en coûtât, là aussi — de rappeler que l'immunité conférée par les totems n'était pas pour autant gage d'impunité, la rime fût-elle riche.

C'est que l'on eût fini par le penser, exposés que nous sommes, quasi quotidiennement, à l'immunité diplomatique, parlementaire ou présidentielle. La chose ne donne-t-elle pas à entendre, pour ceux qui s'en réclament, qu'ils ne peuvent être poursuivis ni punis par la justice aussi longtemps qu'ils exercent leurs prestigieuses fonctions ?

Il s'en faut pourtant qu'il s'agisse là du sens premier du mot. L'étymologie nous rappelle que, quand ce dernier fait son apparition au XIIIe siècle, frais émoulu de la langue latine, il ne porte que sur une exemption... d'impôt. Le munus — celui-là même qui signifie aussi « cadeau » et que l'on retrouve aujourd'hui tapi au cœur d'un verbe dont on intervertit volontiers les consonnes, rémunérer — renvoyait surtout, en effet, à une « charge ». En l'attelant au fameux in privatif, on entendait seulement signifier que, eu égard à son statut, le bénéficiaire était dispensé de toute redevance. Et rien de plus.

Ce n'est que bien plus tard (près de six cents ans, excusez du peu !) que, par extension, s'est fait une place l'acception que l'on évoquait plus haut, laquelle a rapidement prospéré dans le domaine du droit constitutionnel. Mais aussi, à la même époque, son... variant biologique, à savoir la « propriété que possède un organisme d'être réfractaire à certains agents pathogènes ». En découlent cette fameuse immunité collective que nous désespérons d'atteindre enfin, nos maladies auto-immunes et cette immunodéficience que signent les deux lettres centrales de notre sida.

La preuve que, jusque dans notre lexique, le sonnant et le trébuchant ont toujours eu une longueur d'avance !