Médiocre, un adjectif
dont l'étymologie gagne à être connue !
Il est des mots qui vieillissent mal. Qui ne demandaient qu'à bien faire (du moins, à ne pas se faire remarquer outre mesure), mais qui ont mal tourné. Médiocre est manifestement de ceux-là.
Sinon, comment comprendre que la presse sportive fasse si souvent alterner, à un joueur ou à une équipe, « le moyen et le médiocre » ? Pour qu'il y ait alternance, il faut bien que celui-ci soit différent de celui-là, entendez en l'occurrence inférieur ! Par acquit de conscience, allez demander à un élève d'aujourd'hui s'il préfère présenter à ses géniteurs, avec le sacro-saint bulletin trimestriel, un « ensemble moyen » ou un « ensemble médiocre » ? Avant que les châtiments corporels n'aient été (fort opportunément) rayés de la carte familiale, c'eût été à coup sûr une moue pour le premier, une taloche pour le second.
Les dictionnaires d'aujourd'hui se complaisent d'ailleurs à justifier ce qui précède. Pour Larousse, ce qui est médiocre est « au-dessous de la moyenne », « plus mauvais que l'ordinaire », et donc « insuffisant ». Robert va même jusqu'à « assez mauvais », au point, dans certaines acceptions au moins, de proposer pour synonymes « pitoyable » et « minable » !
Il s'en faut pourtant que cela ait toujours été le cas, l'étymologie l'atteste. Si cette dernière avait le droit de vote, c'est un bulletin Bayrou qu'elle glisserait dans l'urne : le mot qui nous occupe ne descend-il pas en droite ligne du latin medius, « qui est au milieu », ce qui n'en faisait à l'origine ni plus ni moins qu'un équivalent de... moyen !
D'aucuns viendront probablement nous expliquer que l'extension de sens susdite n'a rien, au fond, que de très logique : quand on ne s'extirpe pas de la masse, on a tôt fait de passer pour banal, voire quelconque, et cela ne pardonne pas dans une société qui n'a d'yeux que pour qui se distingue... Mais, là encore, il n'en a pas toujours été ainsi. Rappelons-nous le fameux « In medio stat virtus » (« C'est au milieu que réside le courage »), dont nos classiques, Molière en tête, avaient fait leur règle de conduite. À méditer également, cette incitation de l'Académie d'hier à « garder la médiocrité en toutes choses ».
Est-ce à dire que nos potaches seraient bien inspirés de plaider ce « juste milieu », en laissant par exemple supposer à leurs parents que le conseil de classe, dans son infinie culture, est resté fidèle au sens premier du mot ? Ça se tente, en tout cas !