Épilatoire, dépilatoire :
y aurait-il entre eux
un poil de différence ?

< dimanche 29 août 2021 >
Chronique

La crème solaire ne lui ayant guère servi durant cet été souvent maussade, force a été au chroniqueur de langue de se tourner vers d'autres produits. Mais le naturel, vous vous en doutez, est revenu au galop...

Il ne lui a pas fallu longtemps, en effet, pour qu'il s'interrogeât sur l'étrange cohabitation de ces faux jumeaux que sont épilatoire et dépilatoire. Il en était pour sa part resté au premier. D'abord en vertu de ce principe, par lui inventé, selon lequel, entre deux... mots, il faut toujours choisir le moindre. Ensuite et surtout parce qu'il lui semblait logique de baptiser épilatoire un cosmétique qui aidait à l'épilation.

La nette prééminence de dépilatoire, notamment sur ce baromètre de notre existence qu'est devenue la Toile, l'a pourtant incité, sinon à caresser lâchement l'opinion dans le sens du poil, du moins à tenter d'en savoir plus.

Au rayon des dictionnaires, pas grand-chose : Larousse et Robert cautionnent l'un et l'autre adjectif, au point d'en faire de parfaits synonymes. L'étymologie ne nous est pas non plus d'un grand secours : les préfixes « é » (du latin ex) et « dé » (du latin dis) expriment tous deux l'éloignement et la séparation, ce qui cadre à merveille avec la chute des poils en question. Tout au plus nous apprend-elle que dépiler aurait, dans notre langue, précédé épiler de quelque deux cents ans : celui-ci serait une création savante qui n'aurait fait son apparition qu'au milieu du XVIIIe siècle quand celui-là existait déjà en 1538 sous la forme despiler, directement issue du latin classique depilare.

Cela dit, n'en concluez pas trop vite à la plus grande légitimité de dépilatoire ! Alain Rey précise dans son Dictionnaire historique de la langue française qu'en français dépiler « est distinct du verbe épiler qui implique le fait d'ôter volontairement les poils ».

À partir de là, il semble que la messe soit dite : c'est bien de « crème épilatoire » qu'il conviendrait, stricto sensu, de parler, la chute des poils étant en l'occurrence, et à l'évidence, moins accidentelle que préméditée ! On exclura bien sûr le cas très particulier d'un effet indésirable produit par une crème appliquée pour une tout autre raison...

Un distinguo de plus sur lequel nos dictionnaires usuels, en moutons de Panurge qui se respectent, semblent avoir, plutôt qu'un poil, tiré un trait.