Faut-il vraiment
préférer l'éclairage aux éclaircissements ?
Pouvait-on rêver question plus assortie à ces décors qui s'illuminent pour repousser la grisaille ambiante ? Elle nous arrive tout droit du courrier des lecteurs, invoquant nos supposées... lumières sur la question !
N'a-t-on pas remarqué, en effet, que les experts qui, par temps de crise, se multiplient comme petits pains sur les plateaux de télévision s'entendent plus volontiers remercier pour leurs « éclairages » que pour leurs « éclaircissements » ? Est-ce là bien raisonnable ? se demande-t-on.
En tout cas, voilà plus de huit siècles que les verbes éclaircir et éclairer, faux jumeaux issus du même adjectif latin clarus, « clair », se disputent ce terrain-là. L'un et l'autre ont évolué au gré d'un usage quelquefois fantaisiste, au point de connaître des extensions de sens pour le moins inattendues : « payer » pour le second (pas un joueur de casino qui ne sache ce que signifie éclairer le tapis), « rendre moins dense » pour le premier (chacun se souvenant d'un Voltaire qui conseillait irrévérencieusement au Régent, Philippe d'Orléans, d'éclaircir le chiffre du troupeau d'ânes qui paissaient à la cour). Pour le reste, ils se marchaient sur les pieds plus encore qu'aujourd'hui : s'il vaut mieux désormais éclaircir une énigme et éclairer celui qui vous la soumet, il était tout à fait possible, jadis, d'éclaircir quelqu'un tout en éclairant sa lanterne !
Quant aux substantifs auxquels ces verbes ont donné naissance et qui nous intéressent plus particulièrement ici, éclaircissement a précédé éclairage de plus de cinq cents ans. Mais n'allons pas croire que la cohabitation en ait été facilitée, celui-ci se réservant le concret, l'autre l'abstrait : le Dictionnaire historique de la langue française précise au contraire qu'éclairage a, dès son apparition, joué sur les deux tableaux, le sens concret ne se développant même qu'avec l'avènement de l'électricité !
Il s'en faut, cela dit, que les deux termes soient interchangeables. L'éclaircissement vise à « expliquer une chose obscure », à la rendre plus compréhensible. Parfois même à se justifier ! Plus subjectif par nature, l'éclairage est plutôt l'exposé d'un point de vue, qui s'attache moins à décrire la chose de façon globale et exhaustive qu'à l'envisager sous un angle. L'ennui, c'est que ces démarches se chevauchent souvent et que le mot, dans la bouche de l'animateur, se tire volontiers à la courte paille...