Quand la syntaxe de l'insoumission
flirte avec l'archaïsme...
L'archaïsme, votre serviteur tient à préciser d'entrée de jeu qu'il adore ! C'est qu'il apporte au discours un parfum d'originalité qui, en ces temps de plus en plus formatés, serait presque d'utilité publique...
Voilà pourquoi, personnellement, je n'hésite jamais devant un « Vous l'allez voir » qui fleure bon son Jacques Martin du théâtre de l'Empire, un imparfait du subjonctif de la grande époque mitterrandienne ou encore un « pas même » autrement élégant que son clone passe-partout « même pas ». Cela dit, l'admiration que je voue à nos classiques a ses limites, à savoir celles de la clarté ! Pas question, pour ne prendre que cet exemple, de confondre avec eux prêt à et près de. Je laisse à Hugo (un romantique bon teint, pourtant !) sa Cosette « prête à défaillir » quand le simple bon sens aurait voulu qu'elle fût près, c'est-à-dire « sur le point » de le faire : ne sont-ce pas là des choses que nous faisons d'ordinaire... à notre corps défendant ?
De même, je rechigne à suivre (du moins sur la forme) Jean-Luc Mélenchon quand il affirme, comme il y a huit jours : « C'est l'unité de la France dont on parle. » Non qu'il commette là une faute comparable au pléonasme « C'est de l'unité de la France dont on parle » : ce serait là trop d'un de, puisque le relatif dont l'inclut déjà. Pour autant, sa formulation, qui n'eût choqué personne au XVIIe siècle, est bien moins efficace, dans sa volonté de mise en relief, que notre variante moderne : « C'est de l'unité de la France que l'on parle ».
En effet, si les grammairiens d'aujourd'hui ne se sont toujours pas résolus, le respect de la tradition ayant la vie dure, à mettre une fois pour toutes à l'index le tour classique, ils n'en sont pas moins unanimes à reconnaître que, dès lors que c'est un complément prépositionnel qu'il faut mettre en exergue, il est de beaucoup préférable que la préposition le précède : mieux vaut écrire, plutôt que « c'est le président à qui l'on s'adresse », « c'est le Premier ministre vers qui il se tourne » ou encore « c'est la chance sur laquelle on mise finalement »... « c'est au président que l'on s'adresse », « c'est vers le Premier ministre qu'il se tourne » et « c'est sur la chance que l'on mise finalement ».
Mais rien n'empêche quiconque appelle de ses vœux une Sixième République de continuer à s'exprimer... comme sous l'Ancien Régime !