Ne vous laissez pas condamner
pour « faut et usage de faut » !

< dimanche 7 avril 2019 >
Chronique

« Faut-il encore investir dans l'achat d'un véhicule diesel ? » « Faut-il être naïf pour se poser encore la question ! » Rien que de très correct, que chacun se rassure, dans les deux phrases qui précèdent...

L'inversion du sujet résulte bien sûr, dans la première, du tour interrogatif. Dans la seconde, c'est l'exclamation qui en est responsable, doublée qu'elle est, en l'occurrence, d'une forme d'insistance. Il convient alors de comprendre : « Il faut vraiment être naïf pour se poser une telle question ! »

Las ! fleurit de plus en plus dans nos médias un troisième type de construction, qu'à notre sens rien ne justifie, et qu'il serait bon de condamner sans réserve : « Faut-il encore que ses confrères partagent son opinion. » (Le Point) ; « Mais faut-il encore que cette bonne âme ait la main verte. » (Le Figaro) ; « Pour que s'instaure une psychothérapie spécialisée, faut-il encore que le malade la demande. » (Libération) ; « Tant mieux, mais faut-il encore que les nouveaux reviennent. » (Le Parisien) ; « Faut-il encore que chacun œuvre pour le collectif. » (Nice-Matin)... Il ne s'agit plus là d'interrogations mais d'affirmations en bonne et due forme. Quant au point d'exclamation, s'il reste dans certains de ces cas possible, il ne s'impose jamais.

Pour que ces diverses phrases et l'inversion du sujet qu'elles contiennent retrouvent par conséquent un semblant de légalité syntaxique, il faudrait que l'adverbe encore précède — et non suive — le verbe falloir : « Encore faut-il que ses confrères partagent son opinion », « Mais encore faut-il que cette bonne âme ait la main verte », etc. C'est lui et lui seul, en effet, qui autorise et même commande ladite inversion, en l'absence de toute nuance d'exclamation et, a fortiori, d'interrogation. Ce encore-là n'a d'ailleurs plus rien à voir avec celui qui revenait par deux fois dans notre chapeau et signifiait « toujours ». Il équivaut peu ou prou, ici, à « malgré cela » et exprime une restriction.

Il y a quelque quinze ans, nous nous récriions déjà en entendant le consultant Pierre Albaladejo regretter au micro que le potentiel offensif du XV de France ne fût pas mieux exploité, avant de reconnaître, un brin fataliste : « Faut-il encore que nous ayons le ballon... »

Aujourd'hui, c'est la presse tout entière qui s'est mise à parler le rugby du Sud-Ouest !