Mais que viennent
faire là tous ces « cracks »,
nom d'une pipe ?

< dimanche 27 janvier 2019 >
Chronique

Du « galimatias » au « pognon de dingue », en passant par la « poudre de perlimpinpin » et d'autres sorties non moins « croquignolesques », la parole présidentielle n'aime rien tant que jongler avec les niveaux de langue...

Nul ne s'étonnera que, face aux maires rassemblés à Grand Bourgtheroulde, l'hôte de l'Élysée se soit attaché à faire mentir cette réputation de « président des riches » qui lui colle à la peau comme le sparadrap aux doigts du capitaine Haddock. C'est peu dire en effet que les deux expressions qui auront émergé de ces quelque sept heures de débat, « C'est de la pipe ! » et « Faut pas raconter des craques ! », doivent moins au langage guindé qu'au populaire...

En ce qui concerne la première, d'aucuns remarqueront qu'à la familiarité du propos est venue s'ajouter ce je-ne-sais-quoi de désuet qu'affectionne visiblement notre homme. Car ce sens-là de pipe n'a plus guère les honneurs de nos dictionnaires. il n'est plus recensé ni par Larousse, ni par Robert, ni même par les sages du quai Conti ! Pour fustiger le « blabla », c'est au « pipeau » que l'on s'en remet normalement aujourd'hui, mais l'élève Macron a manifestement retenu de son ancien maître Hollande que la normalité ne menait nulle part. À moins qu'il n'ait voulu rappeler au passage, poussé par une prof de français de son entourage, que celui-ci n'est jamais, au fond, que le diminutif de celle-là...

Gageons que les craques auront moins retenu l'attention dans un premier temps, celui de l'oral. Cela dit, dès qu'il s'est agi de passer à l'écrit, les surprises n'ont pas manqué, la « craque » se muant plus souvent qu'à son tour en un « crack » ! Passe encore pour ce qui est de certaine chaîne d'info en continu, dont les bandeaux, on le sait, sont à l'orthographe officielle ce que la pornographie est à l'érotisme. Mais que plus d'un titre de la presse écrite lui ait sans barguigner emboîté le pas étonne davantage.

Faut-il ici préciser qu'entre les « mensonges » que stigmatisait le chef de l'État et ces « premiers de cordée » sur qui il entend fonder sa théorie du ruissellement il y a un monde étymologique ? Si les premiers sont un lointain souvenir du verbe français craquer, lequel signifia « mentir », les seconds descendent plutôt du verbe anglais to crack up, « faire l'éloge de ».

Qu'on se le dise une bonne fois, sinon c'est au... krach que l'on va tout droit !