Se faire envoyer aux pelotes, soit !
Mais pourquoi tant de laine ?...

< dimanche 24 juin 2018 >
Chronique

Ni à Jean-Louis Borloo ni à Justin Trudeau, récemment et respectivement rabroués par MM. Macron et Trump, il ne faudra expliquer le sens de l'expression envoyer aux pelotes. Son origine, c'est déjà moins sûr...

« Sur les roses », en effet, on peut concevoir que l'on nous expédie : celles-là cachent sous des dehors avenants quelques épines, auxquelles il ne fait jamais bon se frotter. Mais « aux pelotes » ? Est-il plus engageante promesse de douceur et de moelleux ? Comment diable concilier ici le propre et le figuré ? la violence de l'image et le côté caressant de cette boule de fil dans laquelle nos innocents chatons se sont de toute éternité reconnus ?

C'est que ces pelotes-là doivent probablement plus qu'on ne pense au diminutif peloton. Non point tant celui qui, chaque mois de juillet que Dieu fait, fleure bon l'érythropoïétine sur les pentes du Galibier que cet autre qui trouve à s'épanouir entre les murs, à coup sûr moins bucoliques, de nos casernes. Si l'on en croit Bernard Claude Galey dans son ouvrage Du coq à l'âne, auraient été, les premières, « envoyées aux pelotes » les fortes têtes qu'il importait, à l'armée, de mater au plus vite. Pour ce faire, les gradés prenaient un malin plaisir à leur imposer, au pas de charge évidemment, des tours de cour, de préférence sous le cagnard, paquetage sur le dos et arme à l'épaule. Où serait le plaisir, sinon ? On eut tôt fait, dans l'argot militaire, de baptiser l'opération faire la pelote, à l'image, précise notre étymologiste, « de la laine qu'on enroule jusqu'à en faire une pelote, associée au terme de peloton de punition ».

Cette idée de brimade allait pourtant bien vite disparaître de nos radars pour ne plus laisser subsister qu'une « brutale fin de non-recevoir », la destination étant surtout fonction de l'inspiration du moment : au bain, à la balançoire, à dache, à dame, au diable (et même, évitons de jouer petit bras, à tous les diables), aux fraises ou aux pives ! Voire chez un certain et énigmatique Plumeau, que plus d'un verrait bien fripier de son état, à seule fin que nous puissions aller, à son enseigne, nous rhabiller...

Mais chacun sait depuis longtemps que la glorieuse incertitude de l'étymologie n'a pas grand-chose à envier à celle du sport. Que cela ne nous mette pas pour autant en boule, après nous avoir mis les nerfs en pelote !