Au soufflet de l'accordéoniste,
n'allons pas ajouter un pli !

< dimanche 17 juin 2018 >
Chronique

Dans sa quatre-vingt-seizième année Yvette Horner s'en est allée, et ce n'est sans doute pas un hasard si la presse s'est ingéniée à la présenter comme « la star », « la légende », voire « l'icône de l'accordéon ».

Voilà qui, disons-le tout net, mangeait moins de pain que de la traiter d'accordéoniste. Au risque de donner des boutons à plus d'un adepte du piano à bretelles, le « n » maison se trouve en effet doublé plus souvent qu'à son tour, jusques et y compris par des médias très comme il faut : on se gardera ici de cafter — cela n'a jamais été notre genre ! —, mais la Toile nous confirme que France Musique, Le Monde, Télérama... et même notre Voix du Nord seraient à l'occasion du nombre !

D'aucuns ne manqueront pas d'insinuer que le héraut du musette se trouve au fond puni par là où il a péché : avec sa manie d'ouvrir tout grand son cœur par le truchement de son soufflet, il ne pouvait que donner des idées aux suppôts de la consonne double ! Rappelons néanmoins que les musiciens sont abonnés au « n » unique, que leur instrument de prédilection se termine par -on (bassoniste, violoniste) ou, a fortiori, par -one (saxophoniste, tromboniste, vibraphoniste). On serait presque tenté d'annexer à cette liste l'orphéoniste, puisque, avant de devenir chorale ou fanfare, l'orphéon fut une sorte d'instrument de musique à cordes et à clavier. Le seul à jouer résolument faux dans cette affaire (et, de grâce, ne nous demandez pas pourquoi) est le percussionniste. Celui, précisément, auquel on ne mettrait volontiers qu'un « n », sous prétexte qu'on vient déjà de le gratifier de deux « s » ! Complètement marteau, non ?

Cela dit, dès que l'on quitte la salle de concert, la tendance se renverse du tout au tout et la consonne double reprend sans coup férir le pouvoir : l'immense majorité des mots en -on ont un dérivé en -onniste (abolitionniste, abstentionniste, contorsionniste, exhibitionniste, illusionniste, impressionniste, nutritionniste, perfectionniste, protectionniste, réceptionniste, etc.). Mais, rassurez-vous, notre langue ne serait pas tout à fait elle-même si elle ne réchauffait en son sein son lot d'exceptions : en témoigne pour l'essentiel un feuilletoniste qui, une fois n'est pas coutume, aura opportunément ravalé son goût réputé immodéré du délayage ! C'est que, parfois, la langue se mêle également de corriger la vie...