« Procès », un mot qui est
trop rarement... en odeur de sainteté !
Il est des vocables qui ne demandaient qu'à bien faire et qui ont mal tourné. Procès est de ceux-là, au point qu'on s'étonne aujourd'hui de le trouver pris en bonne part dans quelques expressions de plus en plus figées...
En témoigne pour l'heure le « procès en béatification » du père Hamel, ce prêtre cruellement égorgé dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray, en juillet 2016. Comme il s'agit, en l'occurrence, de faire un pas vers la sainteté, on crierait presque au paradoxe ! Rien que de très conforme, pourtant, au sens premier du mot procès, littéralement « fait d'aller (cedere) en avant (pro) », autrement dit « de progresser ».
Las ! cette saine façon de voir les choses sera très vite battue en brèche par la spécialisation de notre mot dans le domaine du droit, laquelle est intervenue dès l'époque médiévale. Rien d'infamant au demeurant, puisque, stricto sensu, il n'est question que d'aller plus avant dans la connaissance d'une affaire, d'y voir plus clair. Mais le contexte, lourd de poursuites et de peines, n'aura pas peu contribué à charger le terme d'une nuance dépréciative, que viendront encore aggraver des locutions telles que faire le procès de quelqu'un, faire un mauvais procès à quelqu'un. Et quand bien même l'issue dudit procès ne serait pas toujours défavorable — il arrive même qu'on le gagne ! —, il n'en restera pas moins durablement lesté d'une impression de cherté et de lourdeur administrative, pour tout dire « procédurière » : l'attestent à la fois le proverbe « Un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès » et l'expression « sans autre forme de procès ».
Inutile d'ajouter que, dans cette entreprise de dévalorisation, le redouté procès-verbal n'a pas compté pour des... prunes. C'est que celui-ci consacre un glissement de sens qui n'est que trop visible — de la démarche, neutre à l'origine, au constat d'une infraction et à sa condamnation. Se cacherait-il de plus en plus, aujourd'hui, derrière le sigle P.-V., gageons que la chose n'aura pas précisément contribué à redorer le blason de l'intéressé...
Et qu'est-il advenu, pendant ce temps, de l'acception initiale de procès ? Elle a été reprise, tel un vulgaire candidat à The Voice qui passe d'un « coach » à un autre, par le doublet savant processus. Il en va malheureusement du lexique comme de la vie de tous les jours : qui va à la chasse risque fort de perdre sa place !