En ce 18 juin, que diriez-vous
d'une petite piqûre de... rappel ?
S'il est un verbe courant qui pose des problèmes d'orthographe à l'usager, c'est bien appeler : du « p » ou du « l », quelle consonne au juste convient-il de doubler ? Et pourquoi pas les deux ? On vous explique tout.
D'abord, oubliez à jamais le « p » : celui-ci est toujours doublé, à quelque temps de la conjugaison que l'on se trouve. Voilà une bonne chose de faite ! Pour le « l », reconnaissons que c'est moins simple, mais à peine : il suffit de se souvenir qu'il n'est doublé que quand le « e » qui précède se prononce [è] : j'appelle (présent), tu appelleras (futur simple), il appellerait (conditionnel présent), appellation, etc. Chaque fois, au contraire, que ledit « e » se prononce [eu], le « l » ne fait pas de petits : nous appelons (présent), vous appeliez (imparfait), ils appelèrent (passé simple), appelé (participe passé), etc.
On aura compris que c'est surtout le premier cas qui plonge les Français dans l'angoisse, ces derniers répugnant à multiplier les consonnes doubles au sein d'un même mot. En témoignent éloquemment les « malettes », « flotilles » et non moins fautifs « atterissages », alors même que chacun sait devoir mettre deux « l » à la malle, deux « t » à la flotte, deux « r » à la terre...
Pas d'autre moyen, donc, que de s'en remettre, comme expliqué ci-dessus, à la prononciation, nos réformateurs ayant renoncé à aller jusqu'au bout de leur logique : tous les verbes en -eler devraient désormais, selon eux, se conjuguer comme geler (il gèle)... sauf, précisément, appeler (il appelle). De leur propre aveu, les intéressés auraient reculé là devant un usage par trop établi. Comme si l'on s'était gêné, en d'autres circonstances, pour sacrifier des usages tout aussi établis sur l'autel de la cohérence ! Comprenne qui pourra, comme d'habitude...
Inutile de souligner que rappeler obéit aux mêmes schémas qu'appeler. En revanche, interpeller joue depuis longtemps les francs-tireurs, ses deux « l » présents dès l'infinitif n'empêchant pas qu'on le prononce souvent, et sur le conseil de nos dictionnaires, comme appeler ! Cette fois, les Rectifications de 1990 n'ont pas gardé l'arme au pied, prônant la variante interpeler afin de réconcilier oral et écrit.
Le lecteur nous pardonnera, on l'espère du moins, cet article un tantinet désabusé à l'aube d'un été prometteur : est-ce notre faute si, en français, les chausse-trapes se ramassent à... l'appel ?