Orthographe : ficelles
et astuces mnémotechniques,
vraiment la panacée ?
Les moyens mnémotechniques sont aussi vieux que la langue. Qui ne se souvient avec émotion du chapeau de la cime tombé dans l'abîme, ou encore de ce M. Ornicar dont on se demande, non sans angoisse, où il a pu passer ?
L'orthographe étant devenue le champ de ruines que l'on sait, voilà qu'ils refont surface, pour le meilleur comme pour le pire. Pas un mois ne s'écoule sans que l'on vous propose, sur l'air entraînant du « Demain, on rase gratis », une méthode définitive et inédite pour éradiquer le fléau.
Le meilleur, c'est que cette effervescence contribue déjà à faire prendre conscience de la gravité de la situation, pour peu qu'il en soit besoin. À diversifier les démarches pédagogiques, aussi. Le parti pris de Sandrine Campese — laquelle, dans son récent ouvrage, 99 dessins pour ne plus faire de fautes, croque les mots afin qu'ils se gravent dans notre mémoire — est intéressant, d'autant que la méthode est ici servie par un incontestable talent.
Le pire serait pourtant d'oublier que ces moyens mnémotechniques ne sauraient décemment figurer que la cerise sur le gâteau : utilisés à bon escient et avec parcimonie, pour venir à bout de quelques problèmes récurrents et tenaces, ils peuvent en effet se révéler d'une remarquable efficacité. Qu'en revanche on leur demande plus qu'ils ne peuvent donner, qu'on les multiplie jusqu'à plus soif, et ils deviendront pires que le mal. Plus difficiles à mémoriser que la règle ou le mot eux-mêmes.
Le pire serait d'oublier que les meilleures astuces mnémotechniques sont, dans la plupart des cas, celles que l'on invente soi-même et pour soi seul. Il s'en faut qu'elles soient toujours exportables : ce qui parle à l'un ne parle pas forcément à l'autre.
Le pire serait d'oublier que l'on vainc les difficultés en les affrontant, non en les éludant. De s'imaginer que, grâce à des gadgets, tout va devenir simple, comme le claironne le gamin, au demeurant sympathique, de la pub Renault. C'est peu dire que notre époque, un brin portée à la paresse et à la facilité, ne demande qu'à le croire, mais chacun sent que c'est illusoire : s'il y avait une autre méthode que le travail, l'apprentissage patient, l'étude des règles, cela se saurait depuis longtemps.
Le pire, enfin et surtout, serait d'oublier que le plus sûr des moyens mnémotechniques, en même temps que le plus naturel, reste, et de très loin, la lecture...
« 99 dessins pour ne plus faire de fautes », par Sandrine Campese (Les Éditions de l'Opportun) ; broché, 224 pages 122 x 180 ; 9,90 €.