Le cauchemar éveillé
de Marine Le Pen :
impasse, père et manque !
On croyait que ces deux-là faisaient la paire. En réalité, l'une rêve que l'autre se la fasse tout seul ! C'est que ses pairs (Aliot, Philippot, Collard et autres gars de la Marine) sont las des impairs du père. On s'y perd, non ?
On imagine sans peine ce qu'un Raymond Devos eût fait de tout cela. Ce qui est sûr, c'est que, quand on se déchire chez ces gens-là, on ne fait pas... dans le détail ! Un luxe que le chroniqueur de langue ne peut se permettre, contraint qu'il est de remettre un semblant d'ordre dans la pétaudière du lexique. Nul besoin de lui, évidemment, pour deviner ce que signifie « faire la paire ». On comprend tout aussi aisément pourquoi le « pair », l'égal, celui qui vous ressemble, a pu faire office de compagnon. « Se faire la paire », enfin, ne résiste pas davantage à l'analyse : n'est-ce pas par le truchement d'une paire... de jambes que l'on prend la tangente ? Mais pourquoi cet « impair » si cher au cœur de Verlaine s'est-il vu ravaler au rang peu enviable de gaffe, de maladresse, de faux pas ?
On nous explique des plus obligeamment que l'expression serait la variante écourtée d'une autre, « faire un double impair », et qu'elle aurait quelque chose à voir avec le jeu, vieux comme le monde, du « pair ou impair ». Elle signifierait, précise Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française, « prendre deux fois de suite l'impair, par erreur, imprudence ». Le Trésor de la langue française renchérit : « choisir l'impair deux fois de suite, à tort ». On avait suivi, mais pourquoi « à tort » ? Pourquoi miser derechef sur l'impair serait-il plus hasardeux, au regard des lois statistiques, que sur le pair ? Certes, quand la décision se fait avec deux dés, le pari est un peu plus risqué puisque l'impair offre cinq possibilités contre six au pair. Mais dans les autres versions ?
Ne conviendrait-il pas bien plutôt de rapprocher ce rejet de l'impair du préjugé favorable dont, dans notre pays cartésien, a toujours joui son contraire ? Gaston Esnault remarquait ainsi que, dès le XVIIIe siècle, « parler pair » voulait dire « parler franchement, sans la moindre équivoque » !
En tout cas, ils seront légion à penser que nos duettistes, pour réussir ainsi à obstruer le boulevard que d'aucuns leur promettaient déjà, constituent d'abord et surtout une belle paire... de manches !