Et si vous (re)passiez
ce bon vieux certif ?

< dimanche 5 mai 2013 >
Chronique

Il est temps pour votre serviteur de faire ce qu'en français branché on appellerait aujourd'hui son « coming out » : il n'a jamais décroché son certificat d'études ! BEPC, baccalauréat, licence, maîtrise, CAPES, agrégation n'auront pas suffi à faire disparaître de son curriculum cette tache originelle et indélébile.

Certes, les circonstances atténuantes ne lui manqueront pas. Et, d'abord, il ne l'a pas décroché parce qu'il ne l'a pas passé ! L'eût-il voulu que cela se fût fait — il avait un peu d'avance — à l'époque où, pour lui, se profilait le brevet, ce qui fait que l'urgence de la chose lui a échappé. Il s'en mord les doigts aujourd'hui.

Non, il va sans dire, pour la récompense que lui eût éventuellement value l'aventure : cela lui ferait un dictionnaire supplémentaire à caser, et de ceux que l'on ne jette pas, protégés qu'ils seront toujours par l'enveloppe du souvenir. Mais ladite épreuve n'était pas dépourvue de charme, et elle fleurait bon ce parfum de culture générale qui, trop souvent, déserte nos examens actuels.

C'est dire si, ces jours derniers, fut accueilli avec bienveillance le petit ouvrage que lui a gracieusement adressé — provocation ? — la maison Larousse et qui porte pour titre : « Auriez-vous eu votre certificat d'études en 1923 ? ». À l'intérieur, une flopée d'exercices d'entraînement tirés des manuels Larousse de préparation à l'examen de cette époque. Nous vous les recommandons instamment : pour la modique somme de quatre euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes, vous allez enfin savoir si vous auriez fait partie des trente pour cent — vous avez bien lu, bacheliers de peu de foi : trente ! — d'heureux élus...

Rassurez-vous, estimés lecteurs : vous avez toutes vos chances si vous êtes à même de refuser à coteau l'accent circonflexe ; de mettre, sans avoir à plisser les vôtres, œil-de-bœuf au pluriel ; de conjuguer le verbe taire à l'imparfait du subjonctif ; de préciser le sens de l'adjectif (h)olographe ; de placer sur la carte de France (une Vidal-Lablache, évidemment) les villes de Niort, de Guéret et de Bourg-en-Bresse ; de nommer la défaite qui a poussé, en 1356, ce bon Jean le Bon à signer le traité de Brétigny ; de distinguer, pour les garçons un semoir mécanique d'une charrue Brabant, pour les filles une couture rabattue d'un point de surjet ; pour tous, de calculer à combien serait réduite la surface d'un champ de 6,43 hectares dont on aurait vendu une parcelle de 8 128 mètres carrés, avant de prélever sur le reste 9,85 ares pour construire une maison et 815 centiares pour faire un jardin.

Ou plutôt, vous auriez eu toutes vos chances si vous vous étiez montrés capables de triompher de toutes ces embûches à l'âge de treize ans...

La race dégénère, dites-vous ? Que nenni ! Combien de ces petits génies d'alors seraient aujourd'hui capables d'envoyer trois mille trois cent trente-neuf textos par mois (c'est une moyenne, ce qui laisse supposer que d'aucuns font beaucoup mieux) ?

Assurément, ils n'y seraient jamais parvenus. C'est que ces extraterrestres auraient été fichus, en rédigeant leurs messages, de vouloir respecter orthographe et syntaxe, voire d'appliquer la concordance des temps !

 

« Auriez-vous eu votre certificat d'études en 1923 ? » (Larousse) ; broché ; 64 pages ; 4,99 €.

« Auriez-vous été bon en orthographe en 1870 ? » (Larousse) ; broché ; 64 pages ; 4,99 €.