N'oubliez pas les paroles...
ni leur orthographe !

< dimanche 6 janvier 2008 >
Chronique

L'avouerons-nous ? Quand le mot, biscornu à souhait, ne pourrait être que sympathique au compétiteur que nous fûmes, nous nous méfions des karaokés. Non que le principe nous rebute. Non qu'il ne puisse donner lieu à de divertissantes émissions, à l'instar de celle que présenta Nagui sur France 2, au soir du nouvel an. Claire Keim, en star des Maîtres du zodiaque qui se respecte, y fut éblouissante. L'imita presque, si l'on ose dire, Yves Lecoq. Et aussi Nelson Monfort, même si, flanqué de l'inimitable Philippe Candeloro, il ne pouvait se montrer là qu'à son avantage... mais glissons ! L'essentiel n'était-il pas que ces vedettes vinssent remplir l'escarcelle d'une recherche médicale aux abois ? Tout eût donc été pour le mieux dans la meilleure des télévisions possibles si, pour les besoins de la cause, il n'avait fallu... afficher les paroles : on s'aperçut alors que, si les candidats connaissaient manifestement la chanson, les réalisateurs, eux, ne manquaient pas d'air... Passe pour certaines innocentes coquilles, que nous autres, gens du Nord, aurons eu le bon goût de trouver de saison : le technicien qui aura tapé suberbe pour superbe avait vraisemblablement contracté un gros... rhube, à peine justiciable d'un traitement aux antibiotiques. Déjà plus difficile à encaisser se révéla ce « nous n'iront (sic) plus jamais », censé habiller une célébrissime rengaine d'Hervé Vilard. Mais, en dépit des péremptoires promesses de ce dernier, ce n'était pas fini. Nous eûmes encore à affronter — sous l'égide d'Eddy Mitchell cette fois, mais à l'insu de son plein gré, on veut le croire — un roboratif « mes biens (sic) chers frères, mes biens (resic) chères sœurs ». Rien ne dit d'ailleurs que cet accord, un brin inopportun pour un adverbe réputé invariable, et réitéré juste ce qu'il faut pour écarter la faute de frappe bénigne, ait constitué la dernière séance car, en ce qui nous concerne, nous sauva peut-être d'autres naufrages une somnolence postprandiale bienvenue. Espérons, fussent-ils a priori moins enclins à ces assoupissements des soirs de ribote, qu'il en sera allé de même pour nombre d'écoliers, lesquels, sinon, auront désappris en une soirée ce que leurs maîtres auront à cœur, n'en doutons pas, de leur réinculquer dès demain.

Simple suggestion : ne pourrait-on offrir au candidat de doubler ses gains chaque fois qu'il repère, dans les paroles qu'on lui soumet, une bourde en bonne et due forme ? Voilà qui intéresserait la partie et — qui sait ? — inciterait les chaînes à plus de vigilance. Les publiques, à tout le moins. Car TF1, attendu les sommes qu'elle alloue à qui connaît la capitale de la Belgique, a visiblement les moyens d'ignorer l'orthographe. Là où les dictionnaires mettent un z à quiz, là où la presse écrite (qui, en la matière, reconnaissons-le humblement, a aussi de gros reproches à se faire) en met souvent deux, une émission récente de Benjamin Castaldi n'en a-t-elle pas, de sa propre autorité, ajouté un troisième ? Partant, quels vœux former pour la langue française ? Autant vaut les réserver, de patience et de résignation surtout, à nos fidèles lecteurs...