Du hip-hop à la jet-set :
on se lève tous pour faire bling-bling !

< dimanche 20 janvier 2008 >
Chronique

Il ne figure encore dans aucun dictionnaire, français s'entend, mais il est devenu la coqueluche des médias. Mieux : brandissant leur ADN (Article Dûment Numéroté), les pères putatifs se bousculent au portillon. Pour ce simple mot, et le dérisoire honneur d'en avoir usé le premier, Libération, Marianne et Le Point en ont eu d'autres. « Étonnant, non ? » aurait couiné l'humoriste.

Si du moins il en valait la peine ! Mais il s'agit d'une onomatopée comme il en existe par dizaines dans notre lexique, qui plus est formée sur le principe, vieux comme le monde, du redoublement. Aux yeux du président actuel, les conférences de presse données par ses prédécesseurs ? Un rien prout-prout ! La façon dont les magazines relatent son oaristys avec Carla ? Plutôt gnangnan, infichus qu'ils sont de nous révéler où et quand les tourtereaux font crac-crac ! L'augmentation du pouvoir d'achat ? Piane-piane, à tout le moins. La sortie de Christine Boutin contre le « plan banlieue » de Fadela ? Tss-tss ! pas très fute-fute... Les remontrances du Premier ministre devant ce manquement à la solidarité gouvernementale ? Panpan cucul ! Michel-Édouard Leclerc qui envoie paître la Vache qui rit ? Complètement meuh-meuh ! La robe d'Eva Mendes au Grand Journal de Michel Denisot ? Tsoin-tsoin, mais un peu olé olé ! Vous voyez que, pour illustrer notre propension au « bis repetita », il y a pléthore. Et qu'il n'y avait pas urgence, fût-ce pour étiqueter le style d'un chef d'État que jusqu'ici l'on imaginait plutôt... boulot boulot — ne s'ingénie-t-il pas à travailler plus pour faire oublier qu'il gagne plus ? — à aller exhumer ce « bling-bling » aux sonorités de chaînes... pas même publiques ! Car point n'aura été besoin de le créer : le drôle nous vient tout droit du hip-hop. Avant de retrouver, dans les feuilles de l'opposition, une nouvelle jeunesse au contact des Rolex et des Ray-Ban présidentielles, il a d'abord désigné, sur un rappeur, le tintinnabulement des bijoux, pendentifs et autres signes extérieurs de richesse tapageuse. Nos amis wallons ne font-ils pas « blinquer » tout ce qui brille ?

Le moins drôle de l'affaire n'est pas que nos lexicographes, encore une fois, se font ostensiblement tirer l'oreille. Renseignements pris, ni Larousse ni Robert ne seraient enthousiastes à l'idée d'accueillir, dans un magasin de porcelaine qui compte déjà toc et tape-à-l'œil, cet éléphant-là. Passe pour le premier nommé, qui, en la matière, ne s'est jamais départi d'une insigne prudence. Mais voilà qui est moins habituel de la part du second, lequel s'est toujours targué, pour citer Jacques-Pierre Amette, de « laisser passer tous les courants d'air de notre époque ». Toujours rué — à donf, quoi — à la rencontre du néologisme le plus kitsch. Entendre Alain Rey faire la fine bouche devant ce vocable inutile, sous prétexte que « le mot français clinquant est aussi parlant », en déconcertera plus d'un : s'il fallait bannir de nos dictionnaires tous les anglicismes superfétatoires, on réaliserait de fameuses économies de papier ! Quant à ses « réticences » à l'égard d'un mot qui « risque de ne pas durer », gageons qu'elles arracheront un sourire aux familiers de son Petit Robert, depuis longtemps jeté en pâture aux zarb, keuf, ouf et autres fleurs plus ou moins périssables des banlieues.

Allez, tchao-tchao !