Trêve, armistice, cessez-le-feu :
c'est bon quand ça s'arrête !

< dimanche 11 novembre 2007 >
Chronique

Le bougre est trompeur. À force de le voir coiffer la majuscule, en des jours comme celui-ci, on finirait par se demander si le mot armistice n'a pas été créé tout exprès pour symboliser la fin de la Grande Guerre. Indéniable est en tout cas la tendance à le cantonner dans ce seul contexte, ses synonymes trêve et cessez-le-feu lui damant régulièrement le pion sur les théâtres d'opérations plus récents... Il n'en est rien, pourtant. S'il doit effectivement le respect à la trêve, de près de cinq siècles son aînée, l'armistice a précédé de beaucoup le cessez-le-feu. On peut même dire de ce dernier qu'il fut en retard d'une guerre puisque, apparu en 1945, il n'était seulement pas connu de nos poilus ! À en croire le Robert, c'est à la fin du XVIIe siècle qu'armistice est venu grossir le contingent des mots français en -stice. Contingent des plus limités, d'ailleurs, puisque, une fois écartée la candidature de justice (dont le s est à rattacher au latin jus, « droit »), ledit suffixe ne s'est à notre connaissance jamais rencontré que dans deux autres mots de notre lexique, interstice et solstice. À chaque fois, il s'agit là d'un avatar du verbe latin stare, « être, rester immobile ». Au regard de l'étymologie, l'interstice est donc un petit espace vide qui « se tient entre » deux corps. De même, le solstice, jour le plus long ou le plus court de l'année, correspond à un « arrêt du soleil », qu'il cesse sa progression vers le zénith ou son déclin sur l'horizon. Quant à notre armistice, qui ne l'aurait compris à la... lumière de ce qui précède, il s'applique à un « arrêt », à un « repos » des armes (les Allemands disent pour leur part Waffenruhe). L'usage lui confère une dimension un peu plus officielle qu'au cessez-le-feu, lequel peut être décrété unilatéralement alors que l'armistice — comme du reste la trêve, issue d'un mot francique signifiant « contrat » — est obligatoirement le résultat d'une convention entre les belligérants. Autre nuance, pour subjective qu'elle paraisse : quand trêve et cessez-le-feu sont souvent vécus comme une parenthèse fragile, l'armistice, véritable prélude à la paix, est censé la refermer définitivement. Nul doute que les usagers de nos transports en commun ne soient nombreux, dans les jours qui viennent, à prier pour qu'à défaut de paix durable un armistice soit signé sur le front social. Mais pour l'heure il semble plutôt que, dans un camp comme dans l'autre, on se prépare... à une guerre de tranchées !