Il chantait ? Eh bien...
que les ayants droit dansent, maintenant !

< dimanche 28 octobre 2007 >
Chronique

Pas mort, La Fontaine, et sa cigale encore moins ! Ne vient-on pas d'apprendre que, loin des deux cents millions d'euros espérés, le ténor du siècle Luciano Pavarotti laisse en réalité derrière lui quelque dix-huit millions d'euros... de dettes ? De quoi faire déchanter plus d'un ayant droit ! Que l'on ne compte pas sur nous, au demeurant, pour jouer les moralistes : voilà du moins la preuve que l'on peut hanter l'opéra et n'être pas rat pour autant... Attachons-nous plutôt à éclaircir deux zones d'ombre de notre lexique. Si, si, vous avez bien lu : il convient de mettre un s à ayants droit. Et pourtant, nous direz-vous, ne s'agit-il pas en l'occurrence d'un participe, par essence invariable ? Si fait, encore une fois, et l'on ne peut que vous louer de cette obstination à mettre un peu de logique là où apparemment il n'y en a guère... C'est que l'on doit cet accord contre nature à la survivance d'un ancien usage grammatical, qui faisait s'accorder en genre et en nombre le participe présent. Le fait que ladite expression, comme son alter ego ayant cause, ne s'emploie plus que dans le langage juridique — lequel, Molière et Beaumarchais l'ont abondamment montré, n'a jamais été avare de tournures vieillottes et alambiquées — n'est sans doute pas pour rien dans sa longévité. On s'étonnera simplement que le chœur des féministes ne se soit pas encore élevé contre ces deux dinosaures qui, dédaigneux de l'évolution, demeurent exclusivement masculins dans nos dictionnaires : une « ayante droit », tout bien pesé, serait-elle plus inesthétique qu'« une professeur(e) » ou qu'« une maire » ? Autre sujet d'interrogation, plus étymologique qu'orthographique cette fois : l'origine du mot ténor. Alors que celle de baryton (de barus, « grave », et tonos, « ton ») est des plus parlantes, pourquoi diable les Italiens ont-ils donné à cette voix d'homme de registre aigu, jadis appelée taille, le nom de tenore, que les lexicographes font descendre du verbe latin tenere, « tenir » ? Alors, ténor et tennis, même combat ? Il ne sied pourtant pas au premier nommé d'avoir un filet de voix ! L'explication, pourtant, se... tient : tenore, en italien (comme notre teneur, du reste), renvoyait au « contenu principal » de quelque chose, d'où l'idée de baptiser ainsi la voix qui assure l'essentiel de l'opéra. Qui « tient la baraque », si l'on peut dire. Gageons que, pour les héritiers déçus, Luciano eût été bien inspiré de tenir aussi... les cordons de la bourse !