La Passion du Christ selon saint Mel...
C'est la croix et la bannière !
Voilà du moins ce qu'en diront les détracteurs de l'œuvre, prompts à répéter que ce film sur la crucifixion ne vaut pas un seul des clous qui y tiennent la vedette. Notre propos n'est pas de jeter de saintes huiles sur leur feu mais bien plutôt de méditer sur le singulier destin de la locution qui nous sert ici de titre. À n'en pas douter, elle souligne aujourd'hui l'extrême difficulté qu'éprouvera plus d'un spectateur à aller jusqu'au bout de ce (très) long métrage, compte tenu de la façon — réaliste, pour ne pas dire complaisante — dont y sont étalées les souffrances du Sauveur. Mais cette notion de difficulté, loin de constituer le sens premier de l'expression, n'en est qu'un avatar. À l'origine, en effet, cette dernière était surtout évocatrice de pompe : celle que l'on déployait plus particulièrement pour la venue de grosses légumes, dignitaires ou prélats, qu'il convenait d'accueillir avec faste aux portes de la ville. C'est-à-dire croix (et eau bénite) en tête, la bannière figurant pour sa part le pouvoir temporel. Le cérémonial était du reste parfaitement rodé puisque les processions y sacrifiaient depuis toujours : les bannières étaient alors celles qu'arboraient, en queue de cortège et en l'honneur de leur saint patron, les représentants des corporations. On le voit, la formule initiale supposait moins d'affres que d'apparat et de solennité. Le glissement de sens ultérieur s'explique sans doute par le fait que pareille organisation était tout sauf une sinécure : il importait de ne froisser personne, pas plus les hôtes, généralement chatouilleux sur cette question ô combien sensible du protocole, que les participants au défilé. Un authentique casse-tête, dont on comprend sans peine qu'il soit rapidement devenu, par le biais de la locution qui nous occupe, le symbole de la mission impossible. D'aucuns, sans doute, ne manqueront pas de suggérer qu'il serait grand temps de rajeunir la métaphore, à notre époque où les processions se font rares. Peut-être, qui sait ? le dosage — non moins délicat — qui préside, lors de la formation d'un nouveau gouvernement, au respect des familles politiques, fournira-t-il bientôt une locution moins obsolète ? Toujours est-il que la croix et la bannière sont surtout, ces jours-ci, le lot d'un Jean-Pierre Raffarin « outragé, brisé, martyrisé... mais pas encore libéré » ! Et nul besoin d'être grand clerc pour deviner quelle rose a fourni les épines de sa toute fraîche couronne...