Parce que l'accordéon donne des boutons au bâtonnier...

Une avocate mise sur la touche ?

< mardi 8 octobre 2002 >
Chronique

Qu'on se le dise : les magistrats ne formeront jamais un ordre mendiant. Pour avoir, et à l'accordéon s'il vous plaît, accompagné son artiste de mari dans la rue, Me Faure, du barreau de Bergerac, risquait hier la radiation. Le comportement de la jeune avocate a en effet été jugé « indigne » par ses pairs, l'un d'entre eux (joli monde !) allant jusqu'à déposer son obole dans l'étui de sa consœur pour avérer la mendicité. Le bâtonnier, comme il fallait s'y attendre, est lui-même sorti du bois. Interrogé à la radio, il n'a pas fait mystère de la maigre estime dans laquelle il tient un piano du pauvre dont il ne sait probablement pas qu'il a depuis peu sa place — il était grand temps — au Conservatoire national supérieur de musique. De là à penser qu'un violon eût constitué à ses yeux une circonstance atténuante (les magistrats sont liés à celui-ci par une vieille complicité, au point d'y envoyer quelquefois leurs meilleurs clients), il n'y a qu'un pas que nous nous en voudrions évidemment de franchir. Gageons pourtant qu'en matière d'indignité il existe, par les temps qui courent, des faits autrement graves : mieux vaut, à notre sens, un magistrat haut en couleur qu'un avocat marron ! Connaît-on, soit dit en passant, l'origine de celui-là ? Rien à voir, on le devine, avec le fruit, quand bien même l'intéressé s'exposerait, tôt ou tard, à recevoir une châtaigne. Pas davantage avec une quelconque symbolique des couleurs, même si, à l'évidence, un individu marron a rarement les mains blanches ! L'adjectif descend en fait, par le biais du caraïbe mar(r)on, de l'espagnol cimarrón, « élevé, montagnard ». Il aurait été primitivement employé pour désigner dans les Antilles françaises un animal domestique retourné à l'état sauvage ou, ce qui revenait hélas au même au XVIIe siècle, un esclave noir qui s'était enfui pour vivre librement. On comprend mieux, grâce à cette notion de clandestinité, que le mot ait fini par s'appliquer en France à celui qui exerçait sans titre une profession, puis à quiconque l'exerçait de façon malhonnête. Entorses à la déontologie plus lourdes de conséquences que la chansonnette poussée par notre avocate et contre lesquelles, à coup sûr, l'ordre luttera de nouveau de toutes ses forces, une fois que cette dérisoire affaire sera retombée comme un... soufflet !