On y perdrait aisément son latin...
Histoire d'A
Ouf ! C'en est fini des vacances comme de la propension des médias, durant cette période creuse, à nous abreuver de sexe plus ou moins frelaté ! Les ados et la sexualité, Ce qui plaît chez un homme (son sens de l'humour, c'est bien connu), Comment draguer sur la plage, on en passe et de plus chaudes. Seul éclair dans ce ciel aussi terne que l'autre, la publication en juin dernier, chez Albin Michel, d'un ouvrage d'Antonio Fischetti dont le titre est en soi un programme : L'Angoisse du morpion avant le coït, trente-six questions que vous ne vous êtes jamais posées sur le sexe. Et, de fait, on n'avait jamais songé à se demander pourquoi l'homme avait les testicules qui pendaient, à quoi servaient les poils pubiens ou encore si le prépuce était recyclable ! C'est à la fois drôle et instructif, les réponses à ces questions saugrenues se voulant résolument scientifiques. En outre, c'est crûment — l'auteur est journaliste à Charlie Hebdo — mais joliment écrit. Pour que ces alléchants préliminaires débouchassent sur un authentique orgasme de l'intellect, il eût suffi que l'écrivain se gardât d'orner ses a priori d'un accent grave... ou que le correcteur, homme ou machine, l'en dissuadât. Mais l'expression, visiblement prisée de l'intéressé, revient presque à chaque chapitre, indûment coiffée dudit accent. Les A majuscules eux-mêmes n'ont pas été épargnés, ce qui, on en conviendra, s'apparente au vice ! Faut-il rappeler que ce a-là n'a rien de commun avec notre préposition à, et qu'il nous vient tout droit du latin, lequel ne connaissait pas les accents ? La remarque vaut aussi, évidemment, pour les locutions a contrario, a fortiori, a maxima, a minima, a pari, a posteriori... Unique exception, et pour cause : « réduire quelqu'un à quia " (le mettre dans l'impossibilité de répondre), où seul quia est latin. On remarquera pourtant que pour les italiennes a cap(p)ella, a giorno et a tempera, les dictionnaires se montrent plus réceptifs aux sirènes de la francisation : Robert ne cautionne-t-il pas désormais à giorno, et Larousse ne se joint-il pas à lui pour accepter, à côté de a tempera, à la tempera ? Notre homme serait-il seulement coupable d'avoir eu raison trop tôt ? Et est-ce sciemment qu'il se conduit ici, vu le contexte, en... émancipateur prématuré ?