Mais qu'ont-ils tous à dire « Oops » ?

Cambronne, reviens !

< mardi 27 août 2002 >
Chronique

Quand vous compteriez parmi les moins attentifs, le phénomène n'a pu vous laisser insensible, et ce où que vous ayez passé vos vacances. Comment le Français de 2002 marque-t-il sa surprise ou son dépit ? Que lâchent le garçon de café qui, à trop secouer l'Orangina, en éclabousse la silhouette, déjà pulpeuse pourtant, de votre compagne ? la dame pipi qui, prétendument par mégarde, vous titille l'astragale de sa serpillière ? le colocataire à qui vous venez d'apprendre, astéroïde oblige, que la fin du monde est pour bientôt ? Ils ne disent plus Oh ! Mince ! Zut ! ou Crotte ! Encore moins Diantre ! ou Sapristi ! Ils ne recourent pas davantage au M'enfin ! qui fit les beaux jours de Lagaffe et de Franquin. Ils disent... Oops ! Mine de rien, voilà qui nous semble, en matière d'américanisation (rampante ?) des esprits, plus révélateur que de longs discours. Le fait que le mal ait gagné ces zones pour ainsi dire réflexes du langage, lesquelles devraient en principe échapper à tout contrôle et, par voie de conséquence, à tout snobisme, est édifiant. « La remarque vaut aussi, note Pierre Merle dans son récent et passionnant Précis de français précieux au XXIe siècle (La Renaissance du Livre), pour le pathétique wow ! ou mieux encore waoooow ! voire woaaou ! d'enthousiasme, directement importé des feuilletons américains achetés à la tonne et au rabais par les chaînes françaises dans les marchés de programmes de télévision. » Pour un peu, on en viendrait à craindre pour ce monument qui, du haut de ses cinq malheureuses lettres, a tant fait pour la réputation de notre génie national. Qu'il l'ait ou non effectivement prononcé, et dans les circonstances que l'on se plaît à décrire, c'est Cambronne qui doit en faire une tête, lui qui voyait précisément dans le vocable en question le symbole de notre résistance à l'envahisseur ! Dieu merci, nous n'en sommes pas là, pour avoir pu constater dernièrement que l'intéressé ne demandait qu'à renaître de ses cendres, par exemple dès qu'un Bison moyennement futé nous plaçait dans des conditions de circulation peu propices au flegme. C'est égal. Le jour où vous lirez dans votre quotidien préféré qu'il a fait dans le Nord, cet été, un vrai temps de Oops, le moment sera venu de vous inquiéter...