Un santon peut en cacher un autre

Dico, ton univers impitoya-a-ble !

< mardi 26 décembre 2000 >
Chronique

Qu'en ces temps de Nativité le santon soit à son avantage n'est évidemment pas pour surprendre. Mais c'est tout au long de l'année que, linguistiquement parlant, la figurine de terre cuite occupe désormais le devant de la scène, au point que son homonyme centon, de beaucoup son aîné pourtant, a été mis sur la paille et qu'il ne sait plus où... crécher ! Le Petit Larousse lui-même n'a-t-il pas rayé de ses tablettes cette « pièce littéraire ou musicale faite de morceaux empruntés » qui, depuis le XVIe siècle, tirait son nom du latin cento, « vêtement rapiécé » ? Cet effacement, soyons juste, n'est pas le résultat de la seule homonymie : de toute évidence, l'heure n'est plus à ces exercices de virtuosité dont raffolaient nos grands rhétoriqueurs, et il y a gros à parier que, sans la concurrence du mot d'origine provençale (santon dérive de santoun, « petit saint »), notre infortuné centon, comme tant d'autres vocables qui se voient remercier chaque année, aurait été tout de même poussé vers la sortie. Cela dit, que des homonymes se fassent de l'ombre semble dans l'ordre des choses et, si la rivalité ne va pas toujours, Dieu merci, jusqu'à l'éviction du plus faible, il n'est pas rare que, sur le plan orthographique en tout cas, l'un déteigne sur l'autre. Combien de fois ne lisons-nous pas par acquis de conscience là où acquit serait plus approprié, s'agissant ici du verbe acquitter, et non pas d'acquérir ? Combien de fois avons-nous vu sensé marcher, en dépit du... bon sens, sur les brisées de censé ? Combien de fois avons-nous sursauté, en voyant le chaos s'installer en lieu et place du cahot ? Les exemples de ces télescopages sont légion. Mais parce qu'il importe, durant la trêve des confiseurs, de ne pas noircir le tableau, nous évoquerons un cas de cohabitation réussie entre deux quasi-homonymes qui, de surcroît, renvoient à la même idée : feignant (le premier en date, quand il passerait aujourd'hui pour populaire) et fainéant coexistent depuis sept siècles ! Il est vrai que pour stigmatiser la tendance naturelle de l'homme à la paresse, deux mots ne sauraient être de trop...