Le Charles-de-Gaulle se fait porter... pale

L'hélice ou la spirale de l'échec

< mardi 12 décembre 2000 >
Chronique

Au fond, les réformateurs de notre orthographe avaient peut-être raison. Dieu sait que l'on s'est gaussé, il y a quelque dix ans, de ce « sèche-cheveu » qui semblait fait tout exprès pour Giscard, ou encore de ce « tire-fesse » dont on soulignait avec malice qu'il manquait de fondement. Les gorges chaudes n'étaient pas moindres, on s'en souvient, en direction de ce « porte-avion » sans s au singulier qui, pas plus que les deux autres, n'a reçu l'aval des dictionnaires : supposer que l'on puisse construire de tels mastodontes pour les voir transporter un seul avion, n'était-ce pas là pure provocation pour quiconque se soucie du rapport qualité-prix ? Avec un peu de recul, toutefois, cette suggestion, des plus prémonitoires, apparaît pour ce qu'elle était vraiment : une élémentaire mesure de prudence. Vu les déboires qui sont les siens depuis qu'il a quitté la rade (mais beaucoup affirment qu'il y est toujours), mieux vaudrait que le Charles-de-Gaulle ne transportât qu'un appareil à la fois. Pis : au dire des mauvaises langues, si l'on a renoncé à le baptiser Richelieu, c'est que l'on pressentait déjà que la fiabilité ne serait pas sa vertu cardinale ! Dernière station en date de cet interminable chemin de croix de Lorraine, propre à empoisonner le repos de celui qui n'a jamais transigé sur le prestige de la France : la défectuosité de l'hélice. Il serait même question, selon les on-dit, de lui substituer celle, plus toute jeune pourtant, de notre vénérable Clemenceau. Si cela ne s'appelle pas mettre un Tigre dans son moteur... Il n'importe : ne crachons pas sur l'occasion qui nous est là offerte de rappeler que nous devons cette hélice au grec helix, -ikos (« spirale »). Ce dernier s'est d'ailleurs maintenu sous cette forme savante, à l'accent aigu près, pour désigner l'ourlet du pavillon de l'oreille et l'escargot, comme en témoigne l'héliciculture. Quant à la polémique qui opposa longtemps les tenants de l'escalier à hélice à ceux de l'escalier à spirale (impropre aux yeux des puristes, ladite spirale étant une courbe plane qui tourne en s'élargissant), elle a perdu de son acuité. De là à leur préférer escalier à vis, il n'y a du reste qu'un pas.