Moustache, tenaille, culotte...

C'est du deux contre un !

< mardi 8 août 2000 >
Chronique

Voici une nouvelle qui ne laissera personne indifférent, à cette époque de l'année où les parcs de loisirs battent des records de fréquentation : les employés de Disneyland auront droit, dorénavant, au port des bacchantes, lequel leur était expressément interdit depuis 1957. Mickey Mouse... tache, pourquoi pas ? On veut croire qu'à Marne-la-Vallée ledit port ne se concevra qu'« à la gauloise », ne serait-ce que pour préserver un semblant de culture hexagonale au royaume de l'oncle Sam ! Plus sérieusement, le chroniqueur du langage ne pouvait rêver plus belle occasion d'évoquer cette curieuse catégorie de mots français qui, désignant des objets composés de deux parties semblables, s'emploient indifféremment au singulier et au pluriel. Moustache en est évidemment l'exemple type (si le singulier, prôné par l'Académie, est possible dans tous les cas, le pluriel n'en est pas moins toléré dès lors que l'on parle de moustaches tombantes, à deux branches nettement divisées), au même titre que cisaille, guillemet, jumelle, tenaille. Et si les dictionnaires usuels voient désormais en forceps, haltère et lorgnon des singuliers, en castagnettes un pluriel, les hésitations n'en subsistent pas moins ! Au-dessous de la ceinture, les choses sont (forcément) plus scabreuses encore et la langue familière, qui se souvient sans doute des braies, des chausses et des grègues de jadis, n'a pas renoncé à parler de caleçons, de culottes et de pantalons, n'eût-elle en tête qu'un seul vêtement. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire, pour que le flou s'installe, que l'objet en question soit constitué de deux parties identiques : on monte encore fréquemment les escaliers, quand le singulier suffirait à nous essouffler ; quant aux coulisses, elles occupent carrément le devant de la scène aux dépens de la coulisse qui se rattrape, il est vrai, sur le sens figuré. Enfin, pour les lieux d'aisances (cabinet, lavabo, toilette, water, W.-C.), c'est — si l'on ose dire ! — comme on le sent : singulier en Belgique (il est vrai qu'on y va... une fois), plutôt pluriel en France. On va encore nous accuser de ne plus nous sentir pisser !