Bonnet rouge et rouge bonnet

Dis-moi d'où tu viens...

< mardi 13 juillet 1999 >
Chronique

Un bonnet chasse l'autre... Si le second fait tout pour être blanchi dans l'affaire des paillotes, le premier s'empourpre à mesure qu'approche la fête nationale. Quel symbole, en effet, que ce bonnet dit phrygien, quand bien même l'unanimité ne se ferait pas sur l'origine précise de la dénomination ! Pierre Germa ne doute-t-il pas ouvertement, dans son Dictionnaire des éponymes (Éd. Bonneton), de l'existence de ce « prétendu couvre-chef » d'Asie mineure, préférant penser que ledit bonnet fut ainsi appelé par référence au mode musical phrygien, propre, au dire de Platon, à stimuler les vertus guerrières ? Peu importe, après tout. Ce ne serait pas la première fois que notre lexique ferait son miel de caractères ethniques diversement fondés. Parmi les moins bien lotis, citons les Béotiens, à jamais convaincus d'inculture ; les gens de Sparte, lesquels ont fourni à notre vocabulaire deux adjectifs à peine plus reluisants : l'inconfortable spartiate bien sûr, mais aussi le peu communicatif laconique (ces Laconiens réputés pour leur concision n'étant autres que ces mêmes Spartiates, ou Lacédémoniens) ; ou encore ceux de Sybaris, cité dont la mollesse de mœurs est gravée, pour l'éternité, dans le marbre de notre sybarite. Au nombre des sinistrés il faudrait ajouter la Sardaigne, au rire sardonique ; la pourtant prestigieuse Constantinople, aux discussions byzantines sur le sexe des anges ; sans oublier la Bohême et ses bohémiens, la Chine et ses chinoiseries, la Gascogne et ses gasconnades, etc. Trop heureux ceux qui ont pu rompre à temps le cordon et se démarquer de leur progéniture : on ne sent plus guère le rapport entre Gand et le gandin (heureusement d'ailleurs, l'intéressé ne devant l'existence qu'au boulevard du même nom, aujourd'hui boulevard des Italiens, sur lequel paradaient les jeunes premiers du Second Empire) ; entre le charlatan et l'habitant de Cerreto, en Ombrie ; entre le solécisme et l'antique ville de Soles, où, selon les Grecs, se perpétraient les pires fautes de langage. Il est vrai que, depuis lors, cette cité-là n'a pas manqué d'émules !