Ils sont nés en 1789

< mardi 13 juillet 1999 >
Vocabulaire

Instructive et ô combien révélatrice, la liste des vocables nés dans (ou avec) la tourmente de 1789. On ne s'étonnera pas outre mesure, évidemment, d'y trouver révolutionnaire ou tricolore (ce dernier s'étant d'abord écrit tricolor, et les trois couleurs s'énonçant alors dans cet ordre : rouge, bleu et blanc). Pas plus que ne surprendront des termes comme administration, conscription, expropriation, illégalement, inviolabilité, mandant, officiellement, parlementaire, sous-amendement, suppléant, etc. Moins conventionnels, si l'on ose dire, mais à la réflexion tout aussi prévisibles, s'avèrent donquichottisme (les patriotes de l'époque n'étaient pas les derniers à jeter leur bonnet par-dessus les moulins) et débarras — que l'on imagine bon dès lors qu'il devait s'appliquer aux ci-devant qui rapidement s'esbigneraient (encore un enfant de 1789). Déjà plus inattendus sont alcoolique, médoc et chablis, mais bon : on ne prend pas la Bastille avec du Coca, et le « ballon » ne faisait pas encore figure d'épouvantail... même si cette année-là voit, pure coïncidence, la naissance du mot dirigeable. Franchement déplacé, en revanche, apparaît le terme pleurnichement : quand gavial daterait également de 1789, on a quelque peine à imaginer nos farouches sans-culottes versant des larmes de crocodile ! Il est vrai que ces vains émois étaient sans doute imputés à la famille royale... On se gardera en tout cas de prendre pour un début d'autocritique les adjectifs délirant et indescriptible, ce dernier fût-il fréquemment associé, dans l'inconscient collectif, au nom pagaille ; ou pour une prémonition leur homologue pessimiste : les débordements de la Terreur comme la récupération napoléonienne à venir n'encombraient pas encore l'horizon de ces folles journées...