On veut sucrer notre lez ?

Ne tombons pas dans le panneau

< mardi 27 juillet 1999 >
Chronique

Est-il moment plus propice que la période estivale — correspondance familiale oblige — pour se pencher sur l'orthographe des noms de lieux ? À supposer que le jeu en vaille encore la chandelle, ce qui n'a rien d'évident quand on constate que le Petit Robert loge depuis belle lurette à la même enseigne les graphies lez, lès et les, grandes pourvoyeuses de toponymes devant l'Éternel ! La règle a pourtant le mérite d'être claire. Lez et lès sont de rigueur dès lors qu'il s'agit de traduire la proximité : dans notre seule région, c'est le cas de Courcelles-lès-Lens, de Fouquières-lès-Béthune et de Saint-André-lez-Lille. Il convient alors de s'en remettre aux habitudes locales pour choisir entre ces deux versions, lesquelles, sur le plan strictement orthographique, sont l'une et l'autre recevables : il suffit de parcourir l'annuaire du téléphone, qui se contredit parfois à quelques lignes d'intervalle, pour s'en persuader ! L'essentiel n'était-il pas, au demeurant, d'éviter de confondre ces deux formes d'une même préposition, issues du latin latus, « à côté de », avec l'article les, présent, lui, dans Bully-les-Mines, Malo-les-Bains ou Saint-Amand-les-Eaux ? Confusion d'autant plus aisée que les et lès se tracent la plupart du temps en majuscules, qu'une tradition contestable et notre légendaire paresse nous dissuadent d'accentuer ! Les pouvoirs publics ont aussi leur part de responsabilité. Au lieu de maintenir partout le statu quo (le Conseil d'État s'est récemment opposé à ce que l'on écrive Avesnes-lez-Aubert, comme le souhaitait la municipalité), ils auraient dû au contraire favoriser la graphie lez, un rien vieillotte, sans doute, mais tellement moins équivoque. Que le Robert ajoute à la confusion en la légitimant ne laisse cependant pas d'étonner. Si écrire Plessis-les-Tours n'est plus une faute, comment saura-t-on si cette cité jouxte le chef-lieu de l'Indre-et-Loire ou si ces tours-là sont celles de ses remparts ? Il nous semble qu'un dictionnaire n'a pas pour unique fonction d'accompagner l'usage. Son rôle devrait être aussi de le dénoncer quand il s'écarte par trop de la cohérence et du bon sens...