Classé X
« La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres. »
Stéphane Mallarmé
Non, mais c’est pas vrai !
Ça vous balance royalement cinquante balles et ça voudrait être escorté jusqu’à son fauteuil, comme un prince ?
Il faut pas un coussin, pendant qu’on y est ?
Et le tapis rouge, peut-être ?
Aide-toi, mon bonhomme... À ce tarif-là, même le ciel t’aiderait pas.
Croyais tout de même pas que j’allais user ma pile pour si peu, non ?
Tous les mêmes, ces voyeurs.
Viennent prendre leur pied, mais quand il s’agit de graisser la patte, bonsoir ! Plus personne...
Pour ce qui est de saliver, ça va ; quant à cracher, c’est autre chose...
Rien de tel pour vous arranger le cœur, tiens, des coups pareils.
M’en vais sucer une tablette, vite fait.
Et celles-là, sur l’écran, qui continuent comme si de rien n’était.
Vois pas ce qu’ils leur trouvent, moi, à ces pimbêches en chaleur.
N’ont qu’à seulement me filer leurs dessous, et ils verront !
Ma parole, ils les racolent à la sortie des cliniques : celle de gauche, sa cicatrice, elle va pas tarder à se rouvrir.
Dame ! Après toute cette gymnastique...
Ça me fait penser : ferais bien des paupiettes, ce soir.
Longtemps que j’en ai plus fait.
Et puis, c’est pas de boulot.
Parce qu’après des journées comme ça, moi, faut plus me parler de rien.
Et surtout pas de la chose.
Fernand, ça, ça l’épate, par exemple...
Comment, qu’il me dit, tu passes ta vie à te rincer l’œil et c’est tout ce que ça te fait ?
Voudrais l’y voir, tiens !
Trouverait sans doute normal que je lui saute dessus tous les soirs, rapport à mon job ?
Il y en a, on croirait vraiment qu’ils ne pensent qu’à ça.
S’imaginent peut-être qu’ouvreuse à l’Éden, c’est le paradis ?
L’extase continuelle, le septième ciel vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?
Et quoi encore ?
N’ont qu’à venir, seront pas déçus.
Parce que moi je vous le dis : pour bosser dans cette taule, vaut mieux pas être sujette aux spasmes.
Ils me font marrer, tiens, les O.S. de chez Renault, avec leur travail à la chaîne.
Comme si c’était pas les cadences infernales, ici !
Le stress, comme ils disent.
Huit heures par jour à tenir la chandelle, et on voudrait que je sois encore allumée quand je rentre ? Mais ils rêvent, ces mecs, c’est pas possible !
Déjà que ça m’attire pas des masses, leurs cochonneries.
Pas sitôt sur l’écran qu’ils sont tous à poil... Vous avez dit érotisme ?
C’est pas des films, ça.
Moi qui rêvais d’une place dans une cinémathèque du côté de Chaillot, histoire de reluquer gratis tous les films d’art et d’essai...
Les Delon, les Belmondo.
Les Aldo Maccione.
Ça, c’est des acteurs. Des vrais.
Ici, ça ne réfléchit jamais plus haut que la ceinture.
Pas la moindre surprise, toujours le même topo.
Et cette musique, grands dieux ! À vous dégoûter du saxo pour le restant de vos jours...
Tiens ! Ça, quand même, Fernand me l’a jamais fait.
Ce qu’on n’invente pas tout, au jour d’aujourd’hui !
Un peu acrobatique, peut-être, mais bien.
En tout cas, ça a l’air de plaire, derrière moi. Va se payer la crise d’asthme, c’est sûr.
D’ici qu’il faille appeler le SAMU.
Déjà qu’en arrivant, sont pas bien vaillants, les ancêtres...
Alors, après ça, vous pensez !
N’empêche, comprends pas qu’on puisse se mettre dans des états pareils pour leurs trucs à la gomme.
M’en faudrait plus, moi.
À soixante berges, à la rigueur. La nostalgie aidant.
Mais pour quelqu’un dans la fleur de l’âge...
Ah ! zut, un client.
Va me faire rater la scène du viol, cet enfoiré...