À la fortune du mot
Si le genre d'espèces la laisse indifférente, la langue verte ne se montre pas avare dès qu'il s'agit d'inventer des substituts ! Le prouve la liste qui suit, quand elle ne ferait référence qu'aux plus connus d'entre eux...
Blé. Le plus ancien (il remonte au XVIe siècle), et aussi le plus facile à justifier : ladite céréale a longtemps été assimilée à la richesse, d'autant que sa couleur rappelait celle de l'or...
Braise. N'est-ce pas elle qui, selon une expression toujours vivace, « fait bouillir la marmite » ? Très en vogue durant la Révolution.
Pognon. Même si l'hypothèse n'est pas à prendre pour argent comptant, Duneton plaide pour une origine « pâtissière », le pougnon étant au XIXe siècle, dans la vallée du Rhône, un petit pain mince et rond, obtenu en mélangeant une pogne (poignée) de pâte à un peu de beurre. Ce ne serait pas l'unique fois, après tout, que le nerf de la guerre aurait un faux air de galette !
Fric. Il s'agit probablement là d'une abréviation relativement récente (1879) de fricot, tant il est vrai que sans argent, point de ripaille ! Littré signale d'ailleurs, au verbe fricoter, le sens : « dépenser en bombances ».
Grisbi. Si le roman de Simonin, Touchez pas au grisbi, l'a relancé en 1953, le mot a plus d'un siècle. Son origine est controversée : on évoque pêle-mêle le griset, « pièce de cent liards », l'argot anglais crispy, « argent », et même un mot ancien pour meunier... lequel ne peut qu'avoir du blé !
Flouse (ou flouze). Celui-là nous vient de l'arabe flus, « argent ». Les soldats d'Afrique, lors de la Première Guerre mondiale, ne firent pas peu pour sa diffusion.