À la fortune du mot

< mardi 16 décembre 1997 >
Vocabulaire

Si l'herbe était dense dans les conversations d'hier, elle se fait plus clairsemée dans celles d'aujourd'hui, comme en témoignent les locutions qui suivent, pour la plupart vieillies...

En herbe et en gerbe. Si la première partie de l'expression est encore vivace (elle s'applique toujours à une virtualité, à une disposition pour quelque chose), la seconde ne connaît plus la faveur dont elle jouissait au XVIe siècle, et notamment chez Rabelais : ce dernier ne se moquait-il pas des cocus en herbe et en gerbe, c'est-à-dire en puissance et... en réalité ?

Manger son blé en herbe. La métaphore est limpide et elle avait déjà cours, elle aussi, au temps de Panurge. Il s'agit évidemment de dépenser un bien, telle la Perrette de la fable, avant même qu'il n'ait rapporté !

Employer toutes les herbes de la Saint-Jean. Jadis, c'était faire preuve d'opiniâtreté, recourir à tous les moyens imaginables pour réussir : les herbes que l'on cueillait à cette date étaient en effet créditées d'un pouvoir quasi magique...

Écouter l'herbe lever. C'est le propre du niais, de celui qui n'a inventé ni la poudre, ni l'eau chaude, ni le fil à couper le beurre... et qui n'a rien de mieux à faire que de prêter l'oreille aux bruits de la végétation !

Être réduit à l'herbe. Autrement dit à l'extrême pauvreté, celle qui va jusqu'à vous priver du nécessaire. Ironie du sort, notre langue est particulièrement riche lorsqu'il lui faut traduire le dénuement : on peut tout aussi bien être à la cloche, à la corde, à la côte, sur la litière ou sur la paille, dans la dèche et dans la sangle... pour ne citer que les plus présentables, cela va sans dire  !