La finale des Dicos d'or reportée !

Gazon maudit

< mardi 16 décembre 1997 >
Chronique

Décidément, la pelouse du Stade de France porte la poisse : non contente de fleurir jaunâtre, ne vient-elle pas de contraindre Bernard Pivot à ajourner sa finale, pour la première fois dans l'histoire des championnats d'orthographe ? Lui qui, royal, avait maintenu contre vents et grèves la dictée du château de Versailles, en décembre 1995 ; lui que les intermittents du spectacle s'étaient vainement employés à faire chanter, l'an dernier, à l'Opéra-Comique ; lui qui, impressionnant de sang-froid, n'avait jamais explosé alors même que des alertes à la bombe venaient compromettre le bon déroulement de ses émissions... Il aura suffi que, cédant à sa passion du football, il jette son dévolu sur la nouvelle cathédrale de Saint-Denis pour que les dieux, soudain, lui soient contraires ; pour que ses confrères grévistes de France 3, d'un tacle assassin, lui coupent l'herbe sous les crampons : le gardien de l'orthodoxie grammaticale pris à contre-pied et trahi par ses propres... poteaux, voilà qui, chacun en conviendra, ne manque pas de sel ! Et à quelle terrible alternative a dû se trouver confronté notre amoureux du ballon rond, devant cette obstruction des défenseurs de la télévision régionale : passer en force et s'en tenir à la date prévue, la finale dût-elle, pour le téléspectateur, se jouer... à guichets fermés ; ou dégager en touche en attendant des jours meilleurs, solution à laquelle il s'est finalement rallié ! À quelque chose, du reste, malheur est bon. D'abord, cela nous permet de rappeler ici que, l'alternative étant par définition un choix entre deux partis, l'on ne saurait logiquement opter entre deux alternatives ; on ne dira pas davantage qu'il n'y avait pas d'alternative à cette décision, ce sens de « solution de rechange » étant calqué sur l'anglais. Ensuite et surtout, ce report épargne aux Dicos d'or la concurrence, que nous n'hésiterons pas à qualifier de déloyale, de l'élection de Miss France, sur TF1. Comment les formes grammaticales auraient-elles pu rivaliser avec celles, tellement plus éloquentes, de nos beautés hexagonales ?