À la fortune du mot

< mardi 14 janvier 1997 >
Vocabulaire

En vrac, quelques locutions d'illustre mémoire...

Savoir par cœur. L'expression n'est plus guère compréhensible que si l'on se réfère au sens ancien, particulièrement large, de cœur : siège des émotions, des passions, de la pensée, de l'intelligence, de la mémoire et de la volonté. On ne manquera pas de la rapprocher de dîner par cœur, que Zola met volontiers dans la bouche de Gervaise : dîner par l'imagination, autrement dit danser devant le buffet !

Savoir sur le bout du doigt (ou des doigts). Jusqu'au bout des doigts était plus explicite et traduisait mieux l'idée de perfection, de connaissance précise. Le latin recourait, pour sa part, à ad unguem : jusqu'à l'ongle.

Mémoire d'éléphant. Claude Duneton paraît sensible à ce que la locution implique de gratifiant pour l'animal puisqu'il précise, dans son Bouquet des expressions imagées (Seuil), que le prestige des éléphants s'accrut en France lors de l'Exposition universelle de 1937. D'autres préfèrent voir, dans cette mémoire exceptionnelle, la marque d'un caractère singulièrement vindicatif...

Cervelle de lièvre. Aucun doute possible, cette fois, quant au caractère péjoratif de l'expression : ce pauvre lièvre était supposé perdre la mémoire en courant ! Il a aussi la réputation, note Patricia Vigerie dans La Symphonie animale (Larousse), de revenir au gîte alors qu'il vient d'en être chassé. De là à imaginer qu'il ne se souvient déjà plus du danger...

Mettre une épingle sur sa manche. Quand cette épingle-là, citée par Antoine Furetière dès 1690, se serait aujourd'hui retirée du jeu, elle valait bien, au fond, le nœud que, depuis, nous faisons à notre mouchoir !