À la fortune du mot

< mardi 31 décembre 1996 >
Vocabulaire

Le carillonneur est sans conteste le héros du Bossu de Notre-Dame. Profitons-en pour vérifier que rien ne cloche dans l'interprétation des locutions qui suivent...

Déménager à la cloche de bois. Au dire de Bernard C. Galey (Du coq à l'âne, éd. Tallandier), cette cloche-là serait bien plutôt la sonnette dont il fallait absolument étouffer le bruit, si l'on voulait avoir une chance de quitter l'hôtel garni... sans payer son terme. L'expression a, semble-t-il, subi l'attraction d'une cloche de bois d'un tout autre genre puisque l'on appelait ainsi la crécelle qui, à l'occasion des deuils du vendredi saint, était censée suppléer les cloches de métal, parties pour Rome.

Se taper la cloche. L'une des innombrables locutions argotiques ayant pour sens « manger copieusement », au même titre que s'en mettre dans le cornet, s'en coller dans le fusil, s'en fourrer dans le tube, se remplir le battant, se garnir le bocal, s'en mettre derrière la cravate, se caler les amygdales, s'en foutre plein la lampe, etc. La cloche désigne ici l'estomac, après avoir longtemps renvoyé à la tête.

Dormir (ou ronfler) comme un sonneur. On s'imagine volontiers que le sonneur, à force de les entendre résonner, n'est plus réveillé par le bruit des cloches. Mais cette version ne résiste guère à l'analyse : par quel miracle lesdites cloches pourraient-elles retentir durant le sommeil du sonneur, alors que c'est précisément à lui qu'il incombe de les mettre en branle ? Mieux vaut se souvenir, comme nous y incite d'ailleurs l'expression voisine boire comme un sonneur, que ce dernier était en même temps sacristain et qu'il ne crachait pas sur le vin de messe. Voilà qui explique mieux la profondeur de ses siestes !